29/01/2010

Goundou: une forme historique de tréponématose endémique (Pian)



Dans la réponse de K Harper concernant la paléopathologie des tréponématoses, il y a deux inexactitudes. Cet auteur écrit que seuls les aspects de carrie sicca permettent de porter un diagnostic avec certitude de tréponématose. Ce n'est pas exact car les aspects de périostites tibiales bilatérales " en lame de sabre" ne sont rencontrés que dans les tréponématoses et d'autre part il existait une forme de pian qui est spécifique : le goundou.
Les patients atteints, tous originaires d'Afrique de l'Ouest, avaient des périostites de la face en forme de boule sur un ou les deux maxillaires associées souvent à des atteintes des membres. Le chirurgien militaire français Botreau-Roussel en a opéré des dizaines en Côte-d'Ivoire au début du 20° siècle.
La redécouverte de ses photos sur plaques de verre et documents originaux à l'Institut de Médecine tropicale du Pharo m'avait permis d'en publier une revue de la littérature (Lancet 2002, 360, 1168-70) avec étude du squelette d'un adolescent décédé au cours de l'intervention pour l'exérèse de ces lésions et conservé au musée Dupuytren à Paris. L'histoire complète des syphilis endémiques et vénérienne reste à écrire.
Le texte de cet article peut être téléchargé en cliquant sur le titre de cette note.

24/01/2010

Horloge moléculaire et paléopathologie des tréponématoses


Les tréponématoses regroupent des maladies endémiques (Pian, Bejel, Pinta) et la syphilis vénérienne. L'histoire de la syphilis et surtout l'hypothèse de son arrivée en Europe avec les marins revenant des Amériques a fait couler beaucoup d'encre. Il y a eu, il y a quelques années, une recherche intense de cas paléopathologiques datant d'avant la découverte de C. Colomb. De nombreux cas ont été décrits mais tous ne sont pas convaincants. Le plus ancien (et un des moins probables) est un cas de périostose sur un Homo erectus africain.
Une équipe brésilienne dirigée par F Lucas de Melo vient de publier (PLos Neglected Tropical Diseases 2010 on line) un article dans lequel ils confrontent les données paléopathologiques aux données moléculaires (séquençage d'ADN) publiées par l'équipe de K. Harper. Ils proposent plusieurs hypothèses phylogéniques pour la syphilis et considèrent comme probable son émergence entre 16500 et 5000 BP dans une région du mode indéterminée.
Cet article est commenté par K Harper dont les données ont donc servi de base à ces hypothèses. Elle réfute tous les points avancés par ces auteurs. Les données moléculaires proposées par son équipe ne permettent pas d'estimer les périodes de divergence des tréponèmes, les cas paléopathologiques attribués à des tréponématoses sont souvent des lésions aspécifiques, il n'est pas possible de différencier ostéologiquement les différentes tréponématoses, certains diagnostics sont plus que douteux comme notamment celui de cet Homo erectus et le nombre de cas paléopathologiques de tréponématose bien argumentés est réduit. Pour cet auteur, il est certes utile de confronter paléopathologie et paléomicrobiologie mais l'état actuel des connaissances ne permet pas d'appliquer le concept des horloges moléculaires pour reconstituer l'histoire de la syphilis.
Il ne faut donc pas faire dire à des données de paléomicrobiologie plus qu'elle ne signifient.
Ces deux articles peuvent être lus en cliquant sur le titre de cette note.

11/01/2010

Couper des cheveux en quatre pour du cortisol ?


Jusqu'à présent, l'hormonologie par dosage direct était un domaine non exploré en paléopathologie. Une étude princeps vient d'être publiée par E. Webb et al (Journal of Archaeological Sciences 2009 on line) qui porte sur le dosage du cortisol dans des restes archéologiques de cheveux.

Les auteurs ont sélectionné 10 échantillons provenant de 5 sites péruviens datés entre 1470 et 500 AD. Le cortisol a pu être dosé dans chaque échantillon. Chaque cheveux a été coupé en plusieurs segments pour analyser la variation du taux au cours du temps et en particulier comparer la période pré-mortem aux périodes plus anciennes de la vie des sujets. Les dosages ont été fait par méthode ELISA assurant de la spécificité du dosage.

Les auteurs constatent une tendance à des valeurs plus élevée de cortisol dans la partie proximale des cheveux, ce qu'ils interprètent comme pouvant témoigner d'un stress dans les derniers mois ou année de la vie. Les auteurs rappellent la grande variabilité des taux de cortisol chez un sujet, selon les sujets et la méconnaissance des effets de la diagenèse, même si les conditions de conservation pour ces momies naturelles en milieu très sec sont particulièrement favorables.

Les résultats de cette étude doit être considéré avec une grande prudence. Si il est très intéressant d'avoir pu objectiver la possibilité de dosage du cortisol dans des restes archéologiques, il est plus difficile de suivre l'interprétation de ces résultats sur d'aussi faibles échantillons de sujets dont on ignore tout des circonstances et causes de décès. Cette théorie du taux de cortisol-marqueur de stress repose sur un concept un peu simpliste présenté en quelques lignes et trois références très générales. Un taux faible de cortisol n'est pas en médecine un marqueur de vie sereine mais plutôt à l'inverse un élément délétère et un taux élevé n'est pas considéré comme une réponse durable à un stress physiologique ou environnemental mais un marqueur pathologique. Aucune étude sur des sujets modernes n'est cité par les auteurs à l'appui de ce concept. D'autres travaux seront nécessaires avant de valider cette hypothèse.

les termites et les os


Parmi les nombreuses causes d'altération taphonomique des restes humains, la responsabilité des insectes est de plus en plus mis en avant. Dans un site péruvien de la Culture Moche étudié par J-B Huchet et al (International Journal of Osteoarchaeology 2009 on line) des tombes ont été découvertes avec des restes humains et des éléments sépulcraux comprenant des poteries, des ornements funéraires métalliques et des restes de matières organiques dont des linceuls de roseaux. Un squelette féminin présente de multiples et larges sillons que les auteurs ont pu rapporter à l'action de termites. Les insectes ont principalement attaqué les os du bassin et du crâne et de façon moins marquée, le squelette post-crânien, comme dans d'autres cas décrits dans la littérature.

Les termites, classifiées en plusieurs taxons, sont caractérisées par leur mode de vie et leurs préférences alimentaires. Les espèces vivant dans les sols (Rhinitermidae) sont en cause dans ces attaques de restes osseux. Les auteurs détaillent dans cet articles les données bibliographiques sur le rôle des termites en taphonomie. Dans le cas décrit, les termites auraient été attirées par la cellulose du linceul mais aussi par les os eux-mêmes. Ainsi, plusieurs espèces de termites peuvent être ostéophages et créer d'importantes altérations osseuses post-mortem.