26/07/2010

Paludisme "toutankhamonensis"


Une étude paléopathologique nouvelle de la momie de Toutankhamon a été réalisée et publiée récemment par Z. Hawaz et coll (Jama, 2010, 303 : 638-47). De nombreux articles et émissions télévisées en ont repris la conclusion principale: les affections nombreuses (ostéonécrose, fracture du fémur, fente palatine etc.) dont il avait souffert en faisait un sujet fragile et, conjugées avec le paludisme, étaient la cause principale de la mort.
Une très intéressante analyse critique de cet article a été publiée dans le Bulletin de la Société de Pathologie exotique par J.F. Pays, médecin expert reconnu du paludisme (Bull Soc Pathol Exot, 2010, 103:65-8). Cet auteur démonte point par point l'argumentaire de ces auteurs. Il rappelle notamment que l'ostéonécrose citée (Maladie de Freiberg) est une affection localisée au pied à conséquences purement mécaniques pour l'appui, que la fracture du fémur est douteuse et pourrait être post mortem, que la fente palatine a peu de conséquence également.
Particulièrement intéressante est son analyse de la signification des résultats des analyses concernant le paludisme. On ne peut en effet affirmer que la présence de marqueurs immunologiques du parasite le plus dangereux du paludisme signifie que le sujet avait une forme grave voire mortelle de la maladie. On peut simplement retenir qu'il avait été piqué probablement de nombreuses fois par des moustiques qui lui avaient inoculé Plasmodium falciparum. Les faits scientifiques s'arrêtent là, le reste comporte des supputations voire des erreurs manifestes d'interprétation qui ont eu comme effet (ou but inavoué pour moi) de donner une grande audience à cette publication.
Le problème de la difficulté à connaître la paléoépidémiologie du paludisme en Egypte est bien développée dans cet article qui peut être téléchargée gratuitement à partir de la revue en cliquant sur le titre de cette note.

14/04/2010

La bilharziose en Egypte

Depuis les premiers travaux d'Armand Ruffer, déja cités dans ce blog, des oeufs de bilharzies, parasite à tropisme urinaire et vésical, ont été identifiés dans plusieurs momies égyptiennes. Un court mais utile article de synthèse sur la bilharziose a été publié par B Ziskind (Néphrologie et thérapeutique, 2009, 5, 658-61).
L'auteur y rappelle l'épidémiologie et le cycle du parasite (Shistosoma Haematobium) et les pathologies humaines qui en découlent. Dans l'Egypte ancienne, les sujets ayant des émissions d'urines sanglantes, caractéristiques de la maladie étaient considérées comme liées au dieu Seth. Des traitements étaient cependant proposés dans les papyrus égyptiens.
L'évolution des connaissances en paléopathologie depuis Ruffer, avec maintenant les méthodes spécifiques de diagnostic par méthode Elisa est décrite.
Une étude internationale par cette méthode Elisa de toutes les momies découvertes à ce jour est en cours et permettra de suivre l'évolution épidémiologique de la bilharziose urinaire sur 5000 ans en Egypte.

23/03/2010

Parasites en Patagonie dans la Préhistoire

Les conditions sanitaires des peuples chasseurs-cueilleurs et des premiers agriculteurs pasteurs dans la Préhistoire sont mal connues et souvent romantiquement évoquées comme un état d'équilibre avec la Nature. Cependant, les populations subactuelles et actuelles en voie de développement, étaient et sont victimes d'infections multiples et notamment parasitaires. Les études paléoparasitologiques portant sur des périodes longues sont rares. M.H. Fugassa et al ont étudié des coprolithes découverts dans une grotte de Patagonie, Cerro Casa de Piedra 7, ayant livré des niveaux stratigraphiques correspondants à la transition Pléistocène-holocène et datés entre 9700 et 3400 BC (J. of Archaeological Science, 2010, 37, 880-4).

De nombreux oeufs et kystes de parasites ont été découverts. Les auteurs indiquent qu'une des difficultés dans cette étude était de différentier les coprolithes d'origine humaine et animale. Le diagnostic différentiel a reposé surtout sur les éléments associés trouvés dans les coprolithes (ex: microcharbon de bois pour l'origine humaine).

Identifier un parasite ne constitue pas pour autant une preuve de parasitose-maladie. Des parasites peuvent n'avoir été qu'en transit dans le tube digestif en ayant été absorbés en consommant un aliment (viande) d'une espèce constituant un hôte définitif pour ce parasite. Ainsi, des parasites infestant des rongeurs, des camélidés (famille des lamas) ont été découverts et témoignent des animaux consommés.

De nombreux parasites peuvent infecter homme et animaux comme la trichine (Trichuris spp) et sont donc non spécifiques. D'autres oeufs n'ont pu être identifiés au niveau de l'espèce avec certitude.

Parmi les espèces identifiées, certaines sont des marqueurs d'infection humaine probable comme des ankylostomes.

La densité des parasites sous des formes variées mise en évidence atteste du caractère potentiellement pathogène au plan parasitaire des conditions de vie dans ces grottes et abris dans la préhistoire. On est loin d'un âge béni en équilibre harmonieux avec une Nature bienveillante.

05/02/2010

une "invention de la paléopathologie"


Une anthologie des publications de paléopathologie de langue française pour la période 1820-1930 a été publiée sous la direction de P. Charon et P.L. Thilllaud (L'invention de la paléopathologie, Collection Antiquité, mémoire du Centre Jean Palerme, Université de Saint-Etienne éditeur, 2009, 590 p, 35 euros).
Le but essentiel de ce travail de recherche et analyse bibliographique selon ses auteurs était de rendre accessibles des textes anciens le plus souvent méconnus et aussi de permettre de faire sortir de l'oubli les travaux paléopathologistes précurseurs francophones volontiers négligés dans l'abondante littérature anglo-saxonne contemporaine.
L'ouvrage est construit en six chapitres thématiques dont le plus important recouvre la plupart des cadres nosologiques: ex Pathologie traumatique, Pathologie infectieuse etc), les autres concernant les auteurs précurseurs, les méthodes, les momies et la paléodontologie. Les auteurs ont reproduit les textes originaux, avec les illustrations quant elles sont disponibles.
Ainsi, grâce à ce travail de collecte bibliographique présenté de manière synthétique, tout paléopathologiste pourra accéder aisément aux travaux précurseurs francophones sur le sujet qui l'intéresse et les signaler avec leurs références exactes en les intégrant à leurs publications et présentations scientifiques.
La lecture de ces publications anciennes est souvent ardue au plan terminologique et il faut être très prudent avant de retenir ou discuter des diagnostics quant aucune illustration n'est disponible, et sans avoir vu les pièces naturellement. Par exemple, dans le chapitre consacrés aux mylolyses, les auteurs interprètent comme des mylolyses des lésions dentaires décrites sur un crâne néandertalien de La Quina et décrites comme liées à l'usage de cure-dents par Siffre en 1911, hypothèse que les auteurs considèrent comme une "interprétation singulière". Cependant, une étude de 2004 de L. Bouchneb et B. Maureille a confirmé qu'il s'agissait bien de lésions par frottement (cure-dent) (texte francophone téléchargeable en cliquant sur le titre de cette note).
Ce livre très utile mérite de faire partie de la bibliothèque de tout paléopathologiste.

29/01/2010

Goundou: une forme historique de tréponématose endémique (Pian)



Dans la réponse de K Harper concernant la paléopathologie des tréponématoses, il y a deux inexactitudes. Cet auteur écrit que seuls les aspects de carrie sicca permettent de porter un diagnostic avec certitude de tréponématose. Ce n'est pas exact car les aspects de périostites tibiales bilatérales " en lame de sabre" ne sont rencontrés que dans les tréponématoses et d'autre part il existait une forme de pian qui est spécifique : le goundou.
Les patients atteints, tous originaires d'Afrique de l'Ouest, avaient des périostites de la face en forme de boule sur un ou les deux maxillaires associées souvent à des atteintes des membres. Le chirurgien militaire français Botreau-Roussel en a opéré des dizaines en Côte-d'Ivoire au début du 20° siècle.
La redécouverte de ses photos sur plaques de verre et documents originaux à l'Institut de Médecine tropicale du Pharo m'avait permis d'en publier une revue de la littérature (Lancet 2002, 360, 1168-70) avec étude du squelette d'un adolescent décédé au cours de l'intervention pour l'exérèse de ces lésions et conservé au musée Dupuytren à Paris. L'histoire complète des syphilis endémiques et vénérienne reste à écrire.
Le texte de cet article peut être téléchargé en cliquant sur le titre de cette note.

24/01/2010

Horloge moléculaire et paléopathologie des tréponématoses


Les tréponématoses regroupent des maladies endémiques (Pian, Bejel, Pinta) et la syphilis vénérienne. L'histoire de la syphilis et surtout l'hypothèse de son arrivée en Europe avec les marins revenant des Amériques a fait couler beaucoup d'encre. Il y a eu, il y a quelques années, une recherche intense de cas paléopathologiques datant d'avant la découverte de C. Colomb. De nombreux cas ont été décrits mais tous ne sont pas convaincants. Le plus ancien (et un des moins probables) est un cas de périostose sur un Homo erectus africain.
Une équipe brésilienne dirigée par F Lucas de Melo vient de publier (PLos Neglected Tropical Diseases 2010 on line) un article dans lequel ils confrontent les données paléopathologiques aux données moléculaires (séquençage d'ADN) publiées par l'équipe de K. Harper. Ils proposent plusieurs hypothèses phylogéniques pour la syphilis et considèrent comme probable son émergence entre 16500 et 5000 BP dans une région du mode indéterminée.
Cet article est commenté par K Harper dont les données ont donc servi de base à ces hypothèses. Elle réfute tous les points avancés par ces auteurs. Les données moléculaires proposées par son équipe ne permettent pas d'estimer les périodes de divergence des tréponèmes, les cas paléopathologiques attribués à des tréponématoses sont souvent des lésions aspécifiques, il n'est pas possible de différencier ostéologiquement les différentes tréponématoses, certains diagnostics sont plus que douteux comme notamment celui de cet Homo erectus et le nombre de cas paléopathologiques de tréponématose bien argumentés est réduit. Pour cet auteur, il est certes utile de confronter paléopathologie et paléomicrobiologie mais l'état actuel des connaissances ne permet pas d'appliquer le concept des horloges moléculaires pour reconstituer l'histoire de la syphilis.
Il ne faut donc pas faire dire à des données de paléomicrobiologie plus qu'elle ne signifient.
Ces deux articles peuvent être lus en cliquant sur le titre de cette note.

11/01/2010

Couper des cheveux en quatre pour du cortisol ?


Jusqu'à présent, l'hormonologie par dosage direct était un domaine non exploré en paléopathologie. Une étude princeps vient d'être publiée par E. Webb et al (Journal of Archaeological Sciences 2009 on line) qui porte sur le dosage du cortisol dans des restes archéologiques de cheveux.

Les auteurs ont sélectionné 10 échantillons provenant de 5 sites péruviens datés entre 1470 et 500 AD. Le cortisol a pu être dosé dans chaque échantillon. Chaque cheveux a été coupé en plusieurs segments pour analyser la variation du taux au cours du temps et en particulier comparer la période pré-mortem aux périodes plus anciennes de la vie des sujets. Les dosages ont été fait par méthode ELISA assurant de la spécificité du dosage.

Les auteurs constatent une tendance à des valeurs plus élevée de cortisol dans la partie proximale des cheveux, ce qu'ils interprètent comme pouvant témoigner d'un stress dans les derniers mois ou année de la vie. Les auteurs rappellent la grande variabilité des taux de cortisol chez un sujet, selon les sujets et la méconnaissance des effets de la diagenèse, même si les conditions de conservation pour ces momies naturelles en milieu très sec sont particulièrement favorables.

Les résultats de cette étude doit être considéré avec une grande prudence. Si il est très intéressant d'avoir pu objectiver la possibilité de dosage du cortisol dans des restes archéologiques, il est plus difficile de suivre l'interprétation de ces résultats sur d'aussi faibles échantillons de sujets dont on ignore tout des circonstances et causes de décès. Cette théorie du taux de cortisol-marqueur de stress repose sur un concept un peu simpliste présenté en quelques lignes et trois références très générales. Un taux faible de cortisol n'est pas en médecine un marqueur de vie sereine mais plutôt à l'inverse un élément délétère et un taux élevé n'est pas considéré comme une réponse durable à un stress physiologique ou environnemental mais un marqueur pathologique. Aucune étude sur des sujets modernes n'est cité par les auteurs à l'appui de ce concept. D'autres travaux seront nécessaires avant de valider cette hypothèse.

les termites et les os


Parmi les nombreuses causes d'altération taphonomique des restes humains, la responsabilité des insectes est de plus en plus mis en avant. Dans un site péruvien de la Culture Moche étudié par J-B Huchet et al (International Journal of Osteoarchaeology 2009 on line) des tombes ont été découvertes avec des restes humains et des éléments sépulcraux comprenant des poteries, des ornements funéraires métalliques et des restes de matières organiques dont des linceuls de roseaux. Un squelette féminin présente de multiples et larges sillons que les auteurs ont pu rapporter à l'action de termites. Les insectes ont principalement attaqué les os du bassin et du crâne et de façon moins marquée, le squelette post-crânien, comme dans d'autres cas décrits dans la littérature.

Les termites, classifiées en plusieurs taxons, sont caractérisées par leur mode de vie et leurs préférences alimentaires. Les espèces vivant dans les sols (Rhinitermidae) sont en cause dans ces attaques de restes osseux. Les auteurs détaillent dans cet articles les données bibliographiques sur le rôle des termites en taphonomie. Dans le cas décrit, les termites auraient été attirées par la cellulose du linceul mais aussi par les os eux-mêmes. Ainsi, plusieurs espèces de termites peuvent être ostéophages et créer d'importantes altérations osseuses post-mortem.