11/10/2009

Traumatismes au cours de la vie


La principale difficulté de la paléotraumatologie n'est pas le diagnostic mais l'interprétation des lésions. L'épidémiologie des fractures est bien connue par tranches d'âge dans les populations modernes mais il s'agit de séries hospitalières avec donc un biais de recrutement. L'étude de M. Stein et Coll (International Journal of Osteoarchaeology 2009 sous presse on line) contribue à combler une lacune paléoépidémiologique pour les populations modernes. Les auteurs ont systématiquement recherché les lésions traumatiques dans trois séries ostéologiques: une série de grecs modernes, les sujets blancs et noirs de la Collection Dart en Afrique du Sud. Ils ont exclu, pour éviter un biais lié à un défaut de conservation, les os des mains et des pieds et le sternum. Le rachis a été exclu également à l'exception des spondylolyses et pour les crânes, seules les lésions de la voûte crânienne et de la mandibule ont été recherchées.
Ìls ont observé des prévalences de lésions traumatiques très variables. Chez les Grecs, 42% des hommes et 47% des femmes ont au moins une fracture, la valeur chez les Blancs d'Afrique du Sud est plus élevée chez les hommes (61% avec 41% pour les femmes). Dans la série des sujets noirs, les taux sont nettement plus élevés (hommes: 77%, femmes: 69%). La localisation des fractures diffère également. Ainsi les fractures du crânes sont rares dans les deux premières séries et plus fréquentes dans la dernière. Les fractures ostéoporotiques sont plus fréquentes dans la série grecque ( fémur, radius) alors que les séquelles de fractures par violence interpersonnelle prédominent dans la série des Noirs d'Afrique du Sud (crâne, ulna). Les fractures de côtes sont non spécifiques d'une étiologie, pouvant être ostéoporotiques ou séquellaires d'un coup reçu. Les auteurs proposent dans des tableaux détaillés la répartition topographique des fractures dans chaque série et selon le sexe.
La comparaison avec les rares autres études montre les grandes variations de prévalence selon le contexte socio-économique. Ainsi, dans autre une série de noirs d'Afrique du Sud ayant vécu en milieu rural et étudiée par les mêmes auteurs, le taux de fractures n'est que de 7% (E.N. L'Abbé et Coll International Journal of Osteoarchaeology 2007 17 492–503). Ainsi, la paléotraumatologie est un révélateur majeur des contextes dans lesquels vivent les populations.

09/10/2009

Evolution des germes de la tuberculose

Des lésions de tuberculose osseuse sont observées en paléopathologie depuis le Néolithique. L'évolution des connaissances microbiologiques avec le séquençage du génome de Mycobacterium tuberculosis et de ces variants a relancé le débat sur l'origine des deux variants pricipaux retrouvés dans les atteintes humaines : Mycobacterium bovis (MB) (fréquente en Europe par contamination alimentaire de lait de vache infectée avant la pasteurisation au 19° siècle) et Mycobacterium tuberculosis (MT) à tropisme pulmonaire et transmission aérienne. La notion ancienne dérive de MT à partir de MB avec la domestication du bétail au Néolithique a été battue en brèche par l'analyse du génome qui a montré que MT a une structure génomique faiblement dérivée d'une forme ancestrale et que MB est une forme ayant subi des mutations et donc plus récentes que MT.
AG Nerlich et Coll qui ont une expertise dans l'étude de l'ADN tuberculeux par méthode PCR en paléopathologie ont proposé une intéressante revue de ce problème (Interdisciplinary Perspective on Infecious disease 2009 ID 437187 open access). A partir d'une présentation des données de la littérature et de leur expérience, notamment sur des momies égyptiennes et des séries européennes historiques, les auteurs précisent que la tuberculose était présente depuis au moins 3200 BC avec une prévalence élevée.
La sédentarisation des populations abandonnant le mode de vie des chasseurs-cueilleurs pour une vie en village aurait été le facteur majeur d'extension et d'évolution microbiologique de la tuberculose. Ainsi, dans les séries égyptiennes, on observe dans les périodes pré-dynastiques (3500-2650 BC) essentiellement la forme ancestrale de Mycobacterium, au Moyen Empire (2050-1650 BC) il existe une dominance d'un autre variant M. africanum et dans les périodes les plus récentes (1500-500 BC) M.T prédomine. Aucun cas de MB n'est observé alors que ce variant est rencontré dans d'autre régions du monde comme la Sibérie vers 50 BC. Ces variations observées dans certaines régions au cours du temps méritent une analyse plus précise des facteurs environnementaux. Le nombre d'analyses génomiques des lésions tuberculeuses en paléopathologique reste cependant limité et leur multiplication devrait permettre de mieux appréhender l'évolution microbiologique de la tuberculose dans les populations anciennes.
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04/10/2009

Traumas crâniens en Egypte gréco-romaine

Les traumatismes crâniens sont souvent recherchés en paléopathologie dans des études de sites militaires, de populations à culture guerrières comme les Scythes. La violence dans les autres populations est moins bien connue. M Erfan et Coll ( Research journal of Medicine and Medical Sciences 2009 4, 78-84) ont recherché systématiquement les séquelles de fractures sur 160 crânes provenant de la nécropole de basse Egypte d'époque gréco-romaine de Bahriyah, prés de Giza (332BC-AD 395).

Ils ont constaté la présence de séquelles consolidés de fractures sur 19,4% des crânes, avec une prévalence comparable chez les hommes et les femmes (18,6% et 20,6%). Les lésions sont localisées sur les os de la voûte avec une nette prédominance sur les pariétaux (65,9%). Les lésions les plus fréquentes sont des enfoncements crâniens donc provoqués par des armes contondantes (88,6% des cas) par rapport aux blessures par armes tranchantes.

Ces taux sont nettement plus élevés que ceux observés dans des époques antérieures en Egypte. Avec près d'un sujet sur 5, homme ou femme, ayant eu et surtout ayant survécu à une fracture du crâne au cours de sa vie à cette époque, ces auteurs nous donne un aperçu impressionnant de ce que pouvait être la violence au quotidien dans l'Egypte gréco-romaine.

03/10/2009

Les poux du Roi


Derrière la magnificence des palais et oeuvres artistiques de la Renaissance italienne se cachent les misérables soucis que les princes de ce temps partageaient avec le peuple. Dans un esprit résolument démocratique avant l'heure, poux du corps et du pubis (les "morpions" de nos chansons de carabins) se répandaient sur les nobles corps.
La momie de Ferdinand II d'Aragon, roi de Naples (1467-1496) mort du paludisme a été étudiée par G. Fornaciari et Coll (Mem Institut Oswaldo Cruz 2009 104, 1971-2). Les restes sont mal conservés mais les cheveux et poils ont pu être étudiés.
Ces auteurs ont mis en évidence la présence de lentes de poux (Pediculus capitis) dans les cheveux et des fragments de poux pubiens (Phtirius pubis) dans les poils. Il existait également des taux assez élevé de mercure dans les cheveux. Les auteurs rappellent que les sels de mercure étaient utilisés dans de nombreux traitement notamment pour ces parasitoses cutanées.
Ainsi, il faudra désormais que les acteurs faisant revivre, dans les films et reconstitutions historiques, cette magnifique époque de la Renaissance italienne n'oublient pas de se gratter ostensiblement cheveux et poils !

01/10/2009

Arsenic et vieux squelettes


L'arsenic, poison historique, est présent dans les sols et certains organismes vivants peuvent le concentrer. Des taux élevés ont été découverts dans le squelette d'un enfant de 5 ans du site mésolithique de Nivaagaard (5610-5770 BP) puis dans 8 autres squelettes mésolithiques de la même région du Danemark par KL Rasmussen et coll (J of Archaeological Science 2009 on line sous presse). Ces auteurs ont mené une étude très détaillée des sources possibles de cet arsenic. Ils ont recherché une origine alimentaire en dosant l'arsenic dans les restes de coquilles et d'os de ces sites. Il existait également des taux assez élevé d'arsenic dans les coquilles marines qui étaient une source essentielle de protéines pour ces populations avec même des taux très élevés dans certaines espèces. Cependant, l'arsenic étant peu toxique sous sa forme organique, le risque d'accumulation était limité et il ne pouvait d'ailleurs pas être rencontré à taux élevé de ce fait chez un jeune enfant. Dans les os de faune terrestre de ces sites, les taux étaient aussi élevés alors qu'ils ne consomment pas de coquilles marines. Par ailleurs, les taux d'arsenic étaient jusqu'à 15 fois moins élevés dans des squelettes mésolithiques, néolithiques et médiévaux d'autres sites danois.
Les auteurs expliquent la singularité de ces taux d'arsenic élevés dans ce site mésolithique danois par une pollution du sol par des produits d'entretien des rails d'une l
igne de chemin de fer proche du site qui, riches en arsenic, se sont infiltrés dans le sol et ont contaminé les restes animaux et humains par diagenèse.

Ostéo-archéologie- techniques médico-légales


Un ouvrage intitulé "Ostéo-archéologie et techniques médico-légales tendances et perspectives- Pour un "manuel pratique de paléopathologie humaine"" a été publié en 2008 sous la direction de Ph. Charlier aux éditions De Boccard. Il s'agit d'un travail collectif comprenant 65 contributions réparties en 44 chapitres, 21 "encadrés" pour un total de 684 pages. Il a été fait appel, outre au directeur de cet ouvrage qui signe ou co-signe 25 chapitres, à de nombreux auteurs paléopathologistes et paléoanthropologues français pour la plupart.
Les chapitres sont constitués soit d'exposés méthodologiques (ex: détermination de l'âge au décès), soit de présentation de l'état actuel des connaissances sur un sujet donné (ex: les tréponématoses) et les encadrés peuvent contenir également des exposés méthodologiques ou des présentations de cas individuels ou multiples visant à illustrer un chapitre.
Il s'y associe une riche bibliographie de 88 pages en fin d'ouvrage. Il s'agit d'une utile contribution dans la mesure où ce type d'ouvrage n'existait pas en français alors que plusieurs autres existent en langue anglaise. Toute chose étant perfectible, le contenu en est parfois hétérogène (la paléoparasitologie, encadré méthodologique de 2 pages, aurait mérité un chapitre) et certains chapitres méthodologiques manquent de schémas pour leur permettre d'être utilisés comme un "manuel" ( ex identification du sexe par la méthode de Bruzek).
Comme indiqué dans la préface de cet ouvrage, il s'adresse "aux professionnels et aux amateurs éclairés". Il sera certainement une base bibliographique très utile avant d'aborder une étude paléopathologique. On peut regretter un prix assez élevé qui risque d'en limiter la diffusion (80 euros et 8 euros de frais de port auprès de l'éditeur).