29/01/2010

Goundou: une forme historique de tréponématose endémique (Pian)



Dans la réponse de K Harper concernant la paléopathologie des tréponématoses, il y a deux inexactitudes. Cet auteur écrit que seuls les aspects de carrie sicca permettent de porter un diagnostic avec certitude de tréponématose. Ce n'est pas exact car les aspects de périostites tibiales bilatérales " en lame de sabre" ne sont rencontrés que dans les tréponématoses et d'autre part il existait une forme de pian qui est spécifique : le goundou.
Les patients atteints, tous originaires d'Afrique de l'Ouest, avaient des périostites de la face en forme de boule sur un ou les deux maxillaires associées souvent à des atteintes des membres. Le chirurgien militaire français Botreau-Roussel en a opéré des dizaines en Côte-d'Ivoire au début du 20° siècle.
La redécouverte de ses photos sur plaques de verre et documents originaux à l'Institut de Médecine tropicale du Pharo m'avait permis d'en publier une revue de la littérature (Lancet 2002, 360, 1168-70) avec étude du squelette d'un adolescent décédé au cours de l'intervention pour l'exérèse de ces lésions et conservé au musée Dupuytren à Paris. L'histoire complète des syphilis endémiques et vénérienne reste à écrire.
Le texte de cet article peut être téléchargé en cliquant sur le titre de cette note.

24/01/2010

Horloge moléculaire et paléopathologie des tréponématoses


Les tréponématoses regroupent des maladies endémiques (Pian, Bejel, Pinta) et la syphilis vénérienne. L'histoire de la syphilis et surtout l'hypothèse de son arrivée en Europe avec les marins revenant des Amériques a fait couler beaucoup d'encre. Il y a eu, il y a quelques années, une recherche intense de cas paléopathologiques datant d'avant la découverte de C. Colomb. De nombreux cas ont été décrits mais tous ne sont pas convaincants. Le plus ancien (et un des moins probables) est un cas de périostose sur un Homo erectus africain.
Une équipe brésilienne dirigée par F Lucas de Melo vient de publier (PLos Neglected Tropical Diseases 2010 on line) un article dans lequel ils confrontent les données paléopathologiques aux données moléculaires (séquençage d'ADN) publiées par l'équipe de K. Harper. Ils proposent plusieurs hypothèses phylogéniques pour la syphilis et considèrent comme probable son émergence entre 16500 et 5000 BP dans une région du mode indéterminée.
Cet article est commenté par K Harper dont les données ont donc servi de base à ces hypothèses. Elle réfute tous les points avancés par ces auteurs. Les données moléculaires proposées par son équipe ne permettent pas d'estimer les périodes de divergence des tréponèmes, les cas paléopathologiques attribués à des tréponématoses sont souvent des lésions aspécifiques, il n'est pas possible de différencier ostéologiquement les différentes tréponématoses, certains diagnostics sont plus que douteux comme notamment celui de cet Homo erectus et le nombre de cas paléopathologiques de tréponématose bien argumentés est réduit. Pour cet auteur, il est certes utile de confronter paléopathologie et paléomicrobiologie mais l'état actuel des connaissances ne permet pas d'appliquer le concept des horloges moléculaires pour reconstituer l'histoire de la syphilis.
Il ne faut donc pas faire dire à des données de paléomicrobiologie plus qu'elle ne signifient.
Ces deux articles peuvent être lus en cliquant sur le titre de cette note.

11/01/2010

Couper des cheveux en quatre pour du cortisol ?


Jusqu'à présent, l'hormonologie par dosage direct était un domaine non exploré en paléopathologie. Une étude princeps vient d'être publiée par E. Webb et al (Journal of Archaeological Sciences 2009 on line) qui porte sur le dosage du cortisol dans des restes archéologiques de cheveux.

Les auteurs ont sélectionné 10 échantillons provenant de 5 sites péruviens datés entre 1470 et 500 AD. Le cortisol a pu être dosé dans chaque échantillon. Chaque cheveux a été coupé en plusieurs segments pour analyser la variation du taux au cours du temps et en particulier comparer la période pré-mortem aux périodes plus anciennes de la vie des sujets. Les dosages ont été fait par méthode ELISA assurant de la spécificité du dosage.

Les auteurs constatent une tendance à des valeurs plus élevée de cortisol dans la partie proximale des cheveux, ce qu'ils interprètent comme pouvant témoigner d'un stress dans les derniers mois ou année de la vie. Les auteurs rappellent la grande variabilité des taux de cortisol chez un sujet, selon les sujets et la méconnaissance des effets de la diagenèse, même si les conditions de conservation pour ces momies naturelles en milieu très sec sont particulièrement favorables.

Les résultats de cette étude doit être considéré avec une grande prudence. Si il est très intéressant d'avoir pu objectiver la possibilité de dosage du cortisol dans des restes archéologiques, il est plus difficile de suivre l'interprétation de ces résultats sur d'aussi faibles échantillons de sujets dont on ignore tout des circonstances et causes de décès. Cette théorie du taux de cortisol-marqueur de stress repose sur un concept un peu simpliste présenté en quelques lignes et trois références très générales. Un taux faible de cortisol n'est pas en médecine un marqueur de vie sereine mais plutôt à l'inverse un élément délétère et un taux élevé n'est pas considéré comme une réponse durable à un stress physiologique ou environnemental mais un marqueur pathologique. Aucune étude sur des sujets modernes n'est cité par les auteurs à l'appui de ce concept. D'autres travaux seront nécessaires avant de valider cette hypothèse.

les termites et les os


Parmi les nombreuses causes d'altération taphonomique des restes humains, la responsabilité des insectes est de plus en plus mis en avant. Dans un site péruvien de la Culture Moche étudié par J-B Huchet et al (International Journal of Osteoarchaeology 2009 on line) des tombes ont été découvertes avec des restes humains et des éléments sépulcraux comprenant des poteries, des ornements funéraires métalliques et des restes de matières organiques dont des linceuls de roseaux. Un squelette féminin présente de multiples et larges sillons que les auteurs ont pu rapporter à l'action de termites. Les insectes ont principalement attaqué les os du bassin et du crâne et de façon moins marquée, le squelette post-crânien, comme dans d'autres cas décrits dans la littérature.

Les termites, classifiées en plusieurs taxons, sont caractérisées par leur mode de vie et leurs préférences alimentaires. Les espèces vivant dans les sols (Rhinitermidae) sont en cause dans ces attaques de restes osseux. Les auteurs détaillent dans cet articles les données bibliographiques sur le rôle des termites en taphonomie. Dans le cas décrit, les termites auraient été attirées par la cellulose du linceul mais aussi par les os eux-mêmes. Ainsi, plusieurs espèces de termites peuvent être ostéophages et créer d'importantes altérations osseuses post-mortem.

07/11/2009

Blessure par projectile tranchant chez un néandertalien


Les lésions osseuses secondaires à un jet d'arme tranchante, lance ou flèche, sont communes dès le Néolithique. Pour le Paléolithique supérieur elle sont rares et aucune n'avait été décrite pour les périodes plus anciennes. S.E. Churchill et Coll (Journal of Human evolution 2009, 57: 163-178) ont étudié une lésion costale présente sur un squelette de Néandertalien découvert à Shanidar en Irak dans les années 60. Ils ont constaté que cette côte était fracturée avec une perte de substance en forme de sillon bordé d'exostoses. Cette entaille pouvait être consécutive à une blessure provoquée par un projectile qui s'est fiché dans l'os et l'a fracturé.
Pour étayer cette hypothèse, les auteurs ont réalisé de très intéressantes études expérimentales d'impact osseux de projectiles constitués notamment par des pointes moustériennes emmanchées projetés avec des puissances et des distances calibrées sur des porcs. Ils ont pu démontrer une similitude entre la lésion costale du squelette de Shanidar et celles provoquées avec des projectiles à faible énergie cinétique lancée à moyenne distance comme pouvait l'être des pointes moustériennes emmanchées. Il s'agit donc, selon ces auteurs, d'un très ancien exemple de violence inter personnelle avec arme chez des Néandertaliens.

05/11/2009

Scoliose congénitale


Les scolioses décrites en paléopathologie ont été le plus souvent acquises au cours de la vie et en rapport notamment avec des lésions tuberculeuses vertébrales (mal de Pott). Les scolioses congénitales, secondaires donc à une malformation d'un ou plusieurs corps vertébraux sont plus rares. L Kilgore et al (International Journal of Osteoarchaeology, 2009 sous presse on line) en décrivent un cas découvert chez un adulte inhumé dans le site nubien de Kulubnarti (AD 550-800).
Ce sujet adulte présente une scoliose à très forte angulation vers la droite dont le sommet est au niveau de la jonction dorso-lombaire. Il s'y associe une asymétrie des clavicules et des omoplates, des insertions musculaires des os coxaux et des fémurs. La marche ne devait être possible qu'avec l'aide d'une canne, et l'existence de conséquences viscérales, sur la fonction respiratoire notamment, est probable.
Cet exemple permet aux auteurs, à partir de la littérature médicale, d'exposer les différentes anomalies possibles de la formation des ébauches des corps vertébraux vers la 4° semaine embryonnaire et leurs conséquences sur la statique du rachis. L'anomalie la plus fréquente à ce stade est un défaut de segmentation qui entraîne la formation d'un bloc vertébral unissant deux vertèbres ce qui est très fréquent et sans conséquences biomécaniques le plus souvent. Les anomalies de formation d'une hémivertèbre peuvent entraîner, comme dans le cas présenté, un déséquilibre statique important avec des conséquences sur le squelette des ceintures et des membres.

11/10/2009

Traumatismes au cours de la vie


La principale difficulté de la paléotraumatologie n'est pas le diagnostic mais l'interprétation des lésions. L'épidémiologie des fractures est bien connue par tranches d'âge dans les populations modernes mais il s'agit de séries hospitalières avec donc un biais de recrutement. L'étude de M. Stein et Coll (International Journal of Osteoarchaeology 2009 sous presse on line) contribue à combler une lacune paléoépidémiologique pour les populations modernes. Les auteurs ont systématiquement recherché les lésions traumatiques dans trois séries ostéologiques: une série de grecs modernes, les sujets blancs et noirs de la Collection Dart en Afrique du Sud. Ils ont exclu, pour éviter un biais lié à un défaut de conservation, les os des mains et des pieds et le sternum. Le rachis a été exclu également à l'exception des spondylolyses et pour les crânes, seules les lésions de la voûte crânienne et de la mandibule ont été recherchées.
Ìls ont observé des prévalences de lésions traumatiques très variables. Chez les Grecs, 42% des hommes et 47% des femmes ont au moins une fracture, la valeur chez les Blancs d'Afrique du Sud est plus élevée chez les hommes (61% avec 41% pour les femmes). Dans la série des sujets noirs, les taux sont nettement plus élevés (hommes: 77%, femmes: 69%). La localisation des fractures diffère également. Ainsi les fractures du crânes sont rares dans les deux premières séries et plus fréquentes dans la dernière. Les fractures ostéoporotiques sont plus fréquentes dans la série grecque ( fémur, radius) alors que les séquelles de fractures par violence interpersonnelle prédominent dans la série des Noirs d'Afrique du Sud (crâne, ulna). Les fractures de côtes sont non spécifiques d'une étiologie, pouvant être ostéoporotiques ou séquellaires d'un coup reçu. Les auteurs proposent dans des tableaux détaillés la répartition topographique des fractures dans chaque série et selon le sexe.
La comparaison avec les rares autres études montre les grandes variations de prévalence selon le contexte socio-économique. Ainsi, dans autre une série de noirs d'Afrique du Sud ayant vécu en milieu rural et étudiée par les mêmes auteurs, le taux de fractures n'est que de 7% (E.N. L'Abbé et Coll International Journal of Osteoarchaeology 2007 17 492–503). Ainsi, la paléotraumatologie est un révélateur majeur des contextes dans lesquels vivent les populations.

09/10/2009

Evolution des germes de la tuberculose

Des lésions de tuberculose osseuse sont observées en paléopathologie depuis le Néolithique. L'évolution des connaissances microbiologiques avec le séquençage du génome de Mycobacterium tuberculosis et de ces variants a relancé le débat sur l'origine des deux variants pricipaux retrouvés dans les atteintes humaines : Mycobacterium bovis (MB) (fréquente en Europe par contamination alimentaire de lait de vache infectée avant la pasteurisation au 19° siècle) et Mycobacterium tuberculosis (MT) à tropisme pulmonaire et transmission aérienne. La notion ancienne dérive de MT à partir de MB avec la domestication du bétail au Néolithique a été battue en brèche par l'analyse du génome qui a montré que MT a une structure génomique faiblement dérivée d'une forme ancestrale et que MB est une forme ayant subi des mutations et donc plus récentes que MT.
AG Nerlich et Coll qui ont une expertise dans l'étude de l'ADN tuberculeux par méthode PCR en paléopathologie ont proposé une intéressante revue de ce problème (Interdisciplinary Perspective on Infecious disease 2009 ID 437187 open access). A partir d'une présentation des données de la littérature et de leur expérience, notamment sur des momies égyptiennes et des séries européennes historiques, les auteurs précisent que la tuberculose était présente depuis au moins 3200 BC avec une prévalence élevée.
La sédentarisation des populations abandonnant le mode de vie des chasseurs-cueilleurs pour une vie en village aurait été le facteur majeur d'extension et d'évolution microbiologique de la tuberculose. Ainsi, dans les séries égyptiennes, on observe dans les périodes pré-dynastiques (3500-2650 BC) essentiellement la forme ancestrale de Mycobacterium, au Moyen Empire (2050-1650 BC) il existe une dominance d'un autre variant M. africanum et dans les périodes les plus récentes (1500-500 BC) M.T prédomine. Aucun cas de MB n'est observé alors que ce variant est rencontré dans d'autre régions du monde comme la Sibérie vers 50 BC. Ces variations observées dans certaines régions au cours du temps méritent une analyse plus précise des facteurs environnementaux. Le nombre d'analyses génomiques des lésions tuberculeuses en paléopathologique reste cependant limité et leur multiplication devrait permettre de mieux appréhender l'évolution microbiologique de la tuberculose dans les populations anciennes.
Cet article peut être téléchargé en cliquant sur le titre de cette note.

04/10/2009

Traumas crâniens en Egypte gréco-romaine

Les traumatismes crâniens sont souvent recherchés en paléopathologie dans des études de sites militaires, de populations à culture guerrières comme les Scythes. La violence dans les autres populations est moins bien connue. M Erfan et Coll ( Research journal of Medicine and Medical Sciences 2009 4, 78-84) ont recherché systématiquement les séquelles de fractures sur 160 crânes provenant de la nécropole de basse Egypte d'époque gréco-romaine de Bahriyah, prés de Giza (332BC-AD 395).

Ils ont constaté la présence de séquelles consolidés de fractures sur 19,4% des crânes, avec une prévalence comparable chez les hommes et les femmes (18,6% et 20,6%). Les lésions sont localisées sur les os de la voûte avec une nette prédominance sur les pariétaux (65,9%). Les lésions les plus fréquentes sont des enfoncements crâniens donc provoqués par des armes contondantes (88,6% des cas) par rapport aux blessures par armes tranchantes.

Ces taux sont nettement plus élevés que ceux observés dans des époques antérieures en Egypte. Avec près d'un sujet sur 5, homme ou femme, ayant eu et surtout ayant survécu à une fracture du crâne au cours de sa vie à cette époque, ces auteurs nous donne un aperçu impressionnant de ce que pouvait être la violence au quotidien dans l'Egypte gréco-romaine.

03/10/2009

Les poux du Roi


Derrière la magnificence des palais et oeuvres artistiques de la Renaissance italienne se cachent les misérables soucis que les princes de ce temps partageaient avec le peuple. Dans un esprit résolument démocratique avant l'heure, poux du corps et du pubis (les "morpions" de nos chansons de carabins) se répandaient sur les nobles corps.
La momie de Ferdinand II d'Aragon, roi de Naples (1467-1496) mort du paludisme a été étudiée par G. Fornaciari et Coll (Mem Institut Oswaldo Cruz 2009 104, 1971-2). Les restes sont mal conservés mais les cheveux et poils ont pu être étudiés.
Ces auteurs ont mis en évidence la présence de lentes de poux (Pediculus capitis) dans les cheveux et des fragments de poux pubiens (Phtirius pubis) dans les poils. Il existait également des taux assez élevé de mercure dans les cheveux. Les auteurs rappellent que les sels de mercure étaient utilisés dans de nombreux traitement notamment pour ces parasitoses cutanées.
Ainsi, il faudra désormais que les acteurs faisant revivre, dans les films et reconstitutions historiques, cette magnifique époque de la Renaissance italienne n'oublient pas de se gratter ostensiblement cheveux et poils !

01/10/2009

Arsenic et vieux squelettes


L'arsenic, poison historique, est présent dans les sols et certains organismes vivants peuvent le concentrer. Des taux élevés ont été découverts dans le squelette d'un enfant de 5 ans du site mésolithique de Nivaagaard (5610-5770 BP) puis dans 8 autres squelettes mésolithiques de la même région du Danemark par KL Rasmussen et coll (J of Archaeological Science 2009 on line sous presse). Ces auteurs ont mené une étude très détaillée des sources possibles de cet arsenic. Ils ont recherché une origine alimentaire en dosant l'arsenic dans les restes de coquilles et d'os de ces sites. Il existait également des taux assez élevé d'arsenic dans les coquilles marines qui étaient une source essentielle de protéines pour ces populations avec même des taux très élevés dans certaines espèces. Cependant, l'arsenic étant peu toxique sous sa forme organique, le risque d'accumulation était limité et il ne pouvait d'ailleurs pas être rencontré à taux élevé de ce fait chez un jeune enfant. Dans les os de faune terrestre de ces sites, les taux étaient aussi élevés alors qu'ils ne consomment pas de coquilles marines. Par ailleurs, les taux d'arsenic étaient jusqu'à 15 fois moins élevés dans des squelettes mésolithiques, néolithiques et médiévaux d'autres sites danois.
Les auteurs expliquent la singularité de ces taux d'arsenic élevés dans ce site mésolithique danois par une pollution du sol par des produits d'entretien des rails d'une l
igne de chemin de fer proche du site qui, riches en arsenic, se sont infiltrés dans le sol et ont contaminé les restes animaux et humains par diagenèse.

Ostéo-archéologie- techniques médico-légales


Un ouvrage intitulé "Ostéo-archéologie et techniques médico-légales tendances et perspectives- Pour un "manuel pratique de paléopathologie humaine"" a été publié en 2008 sous la direction de Ph. Charlier aux éditions De Boccard. Il s'agit d'un travail collectif comprenant 65 contributions réparties en 44 chapitres, 21 "encadrés" pour un total de 684 pages. Il a été fait appel, outre au directeur de cet ouvrage qui signe ou co-signe 25 chapitres, à de nombreux auteurs paléopathologistes et paléoanthropologues français pour la plupart.
Les chapitres sont constitués soit d'exposés méthodologiques (ex: détermination de l'âge au décès), soit de présentation de l'état actuel des connaissances sur un sujet donné (ex: les tréponématoses) et les encadrés peuvent contenir également des exposés méthodologiques ou des présentations de cas individuels ou multiples visant à illustrer un chapitre.
Il s'y associe une riche bibliographie de 88 pages en fin d'ouvrage. Il s'agit d'une utile contribution dans la mesure où ce type d'ouvrage n'existait pas en français alors que plusieurs autres existent en langue anglaise. Toute chose étant perfectible, le contenu en est parfois hétérogène (la paléoparasitologie, encadré méthodologique de 2 pages, aurait mérité un chapitre) et certains chapitres méthodologiques manquent de schémas pour leur permettre d'être utilisés comme un "manuel" ( ex identification du sexe par la méthode de Bruzek).
Comme indiqué dans la préface de cet ouvrage, il s'adresse "aux professionnels et aux amateurs éclairés". Il sera certainement une base bibliographique très utile avant d'aborder une étude paléopathologique. On peut regretter un prix assez élevé qui risque d'en limiter la diffusion (80 euros et 8 euros de frais de port auprès de l'éditeur).

28/09/2009

Cimetière de bataille ou cimetière de garnison ?


L’interprétation de la documentation historique sur les sites archéologiques doit être confrontée aux données paléopathologiques pour être validée. Un site médiéval de Pologne (Giecz, 11°-12° siècles) est situé dans une zone de fortifications et de bataille. Le cimetière attenant était considéré comme contenant des restes de combattants. HM Justus et AM Agnew ont étudié la paléotraumatologie des 278 individus inhumés (Paleopathology Newsletter 2009 147 : 7-14).

La première contradiction par rapport à l’hypothèse initiale est d’ordre paléodémographique. La série adulte comporte en effet 65% d’hommes mais 35% de femmes et les enfants constituent 30% de l’effectif total.

Les auteurs ont observé la présence de lésions traumatiques létales peri mortem sur seulement 2 adultes avec une entaille du crâne pour l’un et de multiples blessures à l’arme blanche pour l’autre.

Bien qu’il y ait une dominance de sujets masculins, cette série ne correspond donc pas à un cimetière de combattants. Plusieurs hypothèses sont proposées pour expliquer ce fait : les combattants ont pu être inhumés dans des charniers ailleurs, la Pologne avait une période de paix relative lors de l’utilisation du cimetière. Cette prédominance masculine avec des familles est évocatrice d'une garnison en période de paix même si des affrontements individuels ou des escarmouches pouvaient se produire.

25/09/2009

Exostoses du canal auditif externe en Nubie

Des ostéomes, appelé communément exostoses, peuvent se développer à l’entrée du canal auditif externe au point de pouvoir quasiment l’obstruer. C’est une affection très fréquente chez les personnes ayant un contact fréquent avec l’eau comme les surfeurs. Les facteurs en cause sont le froid et l’action mécanique de l’eau. Ces exostoses sont donc considérées comme des marqueurs d’activités comprenant des immersions fréquentes. Leur étude dans les populations du passé permet d’appréhender la pratique d’activité de nage, de plongée.

K. Godde (International Journal of Osteoarchaeology 2009 sous presse on line) a étudié 744 crânes isolés provenant d’un site égyptien, Smethna South, situé le long du Nil entre la 2° et la 3° cataracte, et conservés aux Etats-Unis (Arizona). Cette série dont le sexe des sujets est indéterminé en l’absence du post-crânien est très étalée dans le temps (100 BC-1950 AD). Il existe 6 cas d’exostoses du conduit auditif externe. Le taux d’exostose dans cette série chronologiquement hétérogène est donc de 8 pour mille.

Les activités subaquatiques n’étaient probablement pas usuelles dans ces populations vivant sur les rives du Nil. L’auteur indique qu’elles tiraient leurs ressources essentiellement de l’agriculture et que ceux qui pêchaient le faisaient par la pose de filets. Il considère que d’autres facteurs que l’exposition à l’eau devaient être responsables de ces 6 cas.

On ne peut cependant exclure que parmi ces 6 sujets certains aient eu, notamment dans l’enfance et l’adolescence, des activités dans l’eau même limitées. Les observations médicales actuelles ont permis de montrer qu’il existe un important facteur individuel de sensibilité qui fait qu’à exposition égale à l’eau, certains sujets développent rapidement des exostoses et d’autres jamais. D’autre part, on constate actuellement la présence d’exostoses chez des sujets n’ayant eu aucune exposition prolongée à l’eau. Enfin, certains de ces sujets ont pu migrer depuis une région où des pratiques aquatiques existaient voire l’usage de bains romains comme l'indique d'ailleurs l'auteur.

Donc les nubiens ne pratiquaient pas le windsurf sur le Nil.

24/09/2009

Jules Le Baron (1855-1902)

Jules Le Baron a soutenu une thèse de médecine à Paris en 1881 intitulée « Lésions osseuses de l'homme préhistorique en France et en Algérie » éditée chez A. Derenne. Ce sera l’unique publication connue de ce médecin passionné d’anthropologie.
Cette thèse est la première publication francophone spécifiquement consacrée à la paléopathologie. L’auteur a étudié des collections rassemblées dans des musées et collections diverses à Paris (Muséum, Musée Broca, Musée Dupuytren).
Son but était « d’étudier le squelette de l’homme préhistorique, au point de vue des lésions qu’il porte, et d’en tirer des conclusions capables de nous éclairer sur sa pathologie et aussi sur ces mœurs ». Cette définition de la paléopathologie est toujours d’actualité.
Ce caractère fondateur est aussi présent dans le contenu de cette thèse. L’auteur a ainsi longuement discuté le diagnostic différentiel entre les lésions pathologiques et les altérations post mortem, avec notamment le rôle des rongeurs, soulignant l’importance de ce qui sera nommé, bien plus tard, "Taphonomie".
Sa thèse reposant sur des études de cas, avec le plus souvent des os isolés notamment des fragments de crânes, et les connaissances médicales de l’auteur étant celles de la fin du 19° siècle, il n’est guère possible d’utiliser ses données sans un nouvel examen des pièces. Sa vision des hommes préhistoriques était aussi celle de son temps : « Piller et conquérir, telle a été et est encore la vie des peuples sauvages ».
Il n’en reste pas moins que Jules Le Baron fut un précurseur. Sa thèse mérite d'être lue et ne doit pas être oubliée quand on évoque l’histoire de la paléopathologie.
Elle peut être téléchargée gratuitement sur le site de la BIUM (cliquer sur le titre de cette note).

28/08/2009

Spina bifida des Egyptiens adultes

La pathologie rachidienne de deux séries égyptiennes a été étudiée par F.H. Hussien et al (International Journal of Osteoarchaeology, on line sous presse). Le matériel provient de l’oasis de Bahriyat et date de la période gréco-romaine (332-330 BC). Les auteurs ont étudié 848 vertèbres pré-sacrées et 77 sacrums. Ils ont comparé cette population à celle de la nécropole de Giza datée de l’Ancien empire (3000 BC).

Il n’existe pas de différences majeures entre les deux populations de prévalence des lésions dégénératives, traumatiques, d’anomalies transitionnelles lombo-sacrées et de spondylolyses. Des fractures ostéoporotiques sont observées, peu nombreuses et pas de séquelles de maladies infectieuses.

Il faut noté un taux nettement plus élevé de spina bifida dans la série de Bahriyat (62,33%). Nettement plus élevée que dans l’Ancien Empire (3,33%). Les auteurs indiquent que la prévalence des spina bifida est élevée en Egypte et évoquent un facteur génétique avec un taux élevé de consanguité. Ils n’évoquent pas de facteur nutritionnel avec les carences en acide folique au cours de la grossesse pourtant médicalement admises actuellement avec prescription de cette vitamine pour en diminuer la prévalence dans les pays pauvres. Ces auteurs égyptiens signalant le taux élevé actuellement en Egypte, peut-être leur était-il difficile de mettre en avant cette cause bien identifiée y compris en paléopathologie depuis longtemps.

Attention : Il existe donc une erreur dans le tableau 3. Il est indiqué qu’il y a chez l’homme un taux global de spina bifida de 6/41 dont 4/41 incomplets et 21/41 complets. Pour que les taux soient conforment aux totaux, il faut que la prévalence globale des hommes ait été de 25/41 et là il n’y a effectivement pas de différences inter sexes.

26/08/2009

Les hypothèses pathologiques font « flores »


La découverte, il y a quelques années, de restes d’hominidés de petite taille et de morphologie archaïque dans une grotte de l' île de Flores en Indonésie et datés d’environ 18000 ans a ouvert un débat paléoanthropologie versus paléopathologie qui continue. S’agit t’il d’une nouvelle espèce d’hominidés fossiles Homo floresiensis proches des homo erectus qui aurait évolué dans un contexte insulaire vers le nanisme ou de cas pathologiques d’homo sapiens?
Deux hypothèses pathologiques viennent encore d’être récusées. I. Herrshkovitz et al avaient émis l’hypothèse qu’il s’agissait d’un syndrome de Laron, une maladie endocrinienne congénitale très rare responsable d’une insensibilité à l’hormone de croissance (American Journal of Physical Anthropology 2007, 134 : 198-208). Cette hypothèse vient d’être récusée par D. Falk et coll (American Journal of Physical Anthropology 2009, 140 : 52-63).
De même, l’hypothèse d’une déformation du crâne LB1 liée à une atteinte malformative sévère avait été proposée par T Jacob (Proceedings National Academy of Sciences USA 2006 103 13421-6). Des modélisations 3D et de nouvelles études tendent à minorer l’importance de ces déformations. Pour Y. Kaifu et al, il s’agirait d’une plagiocéphalie, anomalie mineure, fréquente et sans conséquences physiologique de la base du crâne (American Journal of Physical Anthropology 2009, 140 : 177-85).
Les hypothèses paléopathologiques pour expliquer la morphologie de ces fossiles ont largement alimentées les revues scientifiques et les réunions internationales. Il semble difficilement admis par certains chercheurs que des hominidés aient pu évoluer vers une espèce endémique naine en étant en milieu isolé comme le firent les éléphants nains de Sicile, les hippopotames de Malte ou les mammouths de la presqu’île de Wrangel en Sibérie.

25/08/2009

Reconstitution aberrante d'une mandibule



Jusqu'à une cinquantaine d’années, les fossiles humains découverts fragmentés faisaient l’objet de reconstitution avec ajout de matériaux synthétiques divers entrainant parfois des erreurs importantes. L’imagerie 3D permet des démontages virtuels et remontages de ces fossiles pour de nouvelles études. Une situation plus rare est la confusion de restes d’animaux avec des fossiles humains.

Le crâne et la mandibule d’un jeune enfant ont été découverts dans un niveau magdalénien de la grotte de Rochereil, Dordogne, France en 1939. Très fragmentés, ils ont été prélevés avec les sédiments environnants en un seul bloc, dégagés en laboratoire puis reconstitués. Le crâne avait été mal reconstitué et le diagnostic d’hydrocéphalie qui avait été retenue était de ce fait erroné (B Mafart et al, C .R. Palevol. 2007, 6, 569-79).

La mandibule a été également reconstituée de façon erronée (B Mafart, C.R. Palévol, 2009, 8, 403-12). Si les trois molaires déciduales sont bien humaines et en place, en revanche, seule une des six dents du bloc incisivo-canin, une deuxième incisive déciduale droite est humaine mais positionnée à gauche. Les autres dents sont des incisives et canines de plusieurs jeunes rennes adultes. La confusion de ces dents animales, provenant vraisemblablement des sédiments environnants, avec des dents pathologiques d’enfant a été favorisée par l’existence de lésions pathologiques crânienne et mandibulaire. La possibilité de reconstitution aberrante avec confusion avec des restes animaux doit être systématiquement évoquée pour des fossiles restaurés dans le passé.

24/08/2009

Brucellose chez un australopithèque ?


D’anastasio et coll ont étudié la paléopathologie de vertèbres (D9-L5) d’un Australopithecus africanus (ST431) découvert à Sterkfontein (PLos one 2009, 4, 7, e6439). La présence de lésions du corps vertébral de L4-L5 et surtout d’une lyse du bord antéro-supérieur du corps de L5 est interprétée comme caractéristique d’une infection par Brucella et présenté comme le plus ancien cas connu de brucellose osseuse.
Le caractère pathognomonique de la brucellose de ces lésions du bord antérosupérieur des vertèbres fait débat. En particulier, S Mays les a étudié dans une série historique et les a observé dans 4% des cas (International journal of Osteoarchaeology, 2007, 17, 2, 107-111). Selon cet auteur, des hernies intra spongieuses dont on connait la fréquence (ex « maladie de Scheueurmann ») seraient principalement à l’origine de ces lésions.
Sa conclusion était que les lyses du bord marginal antérieur des vertèbres ne sont pas suffisantes pour diagnostiquer une brucellose en l’absence d’autres arguments : autres lésions osseuses ou preuves biomoléculaires d’ADN de brucella. Cet auteur est bien cité dans l’article de D’anastasio et coll, mais il est simplement indiqué que S. Mays a proposé d’autres diagnostics comme les hernies intra spongieuses !!
Le cas publié dans Plos n’a pas les critères de diagnostic d’une brucellose selon S. Mays car il n’y a pas de lésions extravertébrales décrites ni d’étude d’ADN bactérien, qui imposerait cependant une destruction inacceptable d’une partie de cette pièce. Le diagnostic de brucellose est donc une hypothèse intéressante mais pas la seule.

02/07/2009

Tuberculose et ADN, problème méthodologiques


Le diagnostic de tuberculose par mise en évidence de l’ADN de mycobacterium tuberculosis est, à l’évidence, un progrès majeur en paléopathologie. Cependant, comme pour toute recherche d’ADN, la problématique doit être bien posée, les conditions de recueil des prélèvements et d’analyse en laboratoire imposent des précautions drastiques.
Ces problèmes sont explicités par A.K. Wilbur et coll (Journal of Archaeological Science 2009 sous presse on line). Les auteurs rappellent très opportunément qu’une recherche d’ADN microbien, analyse destructrice d’ossement, ne doit être réalisée que si elle s’inscrit dans un questionnement scientifique rigoureux. Sachant que pour obtenir un gramme de matériel osseux analysable il faut un échantillon initial d'os d’environ 2x2x1 cm et qu’il doit être doublé afin d’avoir un témoin, il est clair que la pièce sera mutilée par le prélèvement, et en particulier au niveau où les plus importantes lésions sont visibles.
Certaines études d’ADN tuberculeux sont sans justification scientifique selon les auteurs. Ainsi, la recherche itérative devant des lésions plus où moins typiques du plus ancien cas de tuberculose n’a pas d’intérêt sachant que le germe existait bien avant l ‘apparition d’Homo sapiens.
Les auteurs se livrent ensuite à une sévère critique d’un article de Hershkovitz et Coll (Plos One 2008, 3, 10, e3426) où le diagnostic de tuberculose chez un adulte et un enfant du site Néolithique du Moyen Orient de Atlit-Yam avait été retenu et avait conduit à une analyse d’ADN. Ils considèrent que les critères macroscopiques pour le diagnostic de tuberculose n’étaient pas présents et donc que les prélèvements n’étaient pas justifiés et que les résultats paléobactériologiques sont contestables et pourraient refléter des contaminations. Ils récusent donc à la fois le diagnostic macroscopique et paléobactériologique de cette étude.
Les auteurs rappellent l’importance d’un diagnostic macroscopique précis en indiquant les aspects pathognomoniques et non pathognomoniques des tuberculoses en paléopathologie.
La méthodologie, du prélèvement à l’analyse, doit reposer sur des critères validés. Les risques de contamination depuis le prélèvement jusque durant les analyses sont majeurs pour des germes très répandus. Les auteurs exposent de façon très détaillée l’état des connaissances paléobactériologiques et indiquent que les recherches futures doivent être focalisées sur la co-évolution tuberculose/ homme.