05/06/2009

Paléopathologie de la maladie de Paget


La maladie osseuse de Paget (osseuse car Sir James Paget a décrit trois maladies qui portent son nom dont une est une forme de cancer du sein) est une ostéite déformante associant une remodelage osseux et une fibrose médullaire. Aucune étiologie n’a été prouvée mais il existe des formes familiales héréditaires pour laquelle il a été récemment mis en évidence un déterminisme génétique avec présence de mutations chromosomiques. Cette affection touche essentiellement les populations d’origine européenne.
De nombreux cas isolés ont été décrits en paléopathologie. Le diagnostic est suspecté devant un os déformé, comme soufflé par exemple le crâne, un fémur, une vertébre, un des deux os coxaux) mais c’est l’aspect radiographique qui est le plus évocateur avec notamment un élargissement de la corticale, un épaississement de l’os trabéculaire donnant un aspect floconneux des os. Idéalement, une histologie est réalisée qui montre des remaniements architecturaux osseux. Le diagnostic différentiel est essentiellement celui de métastases de cancer osseux.
A. Wade et coll (Paleopathology Newsletter, 2999 146: 24-32) en ont étudié un cas issu d’une collection anatomique. Il proposent une courte revue de la littérature (sans signaler les travaux génétiques récents) et insistent sur l’intérêt de l’imagerie scannographique et en particulier des coupes fines des scanners médicaux qui permettent d’apprécier l’aspect de la structure interne osseuse et facilitent le diagnostic.
Dans l'avenir, la paléopathologie de la maladie de Paget bénéficiera probablement des progrès de l’imagerie avec les microscanners qui permettent d’analyser la microstructure osseuse et, du fait de ces mutations chromosomiques, de la paléogénétique.

02/06/2009

Alimentation autour du Lac Baïkal à l’Âge du Bronze


Des chercheurs russes, canadiens et britanniques étudient les populations de l’Âge du Bronze autour du lac Baïkal dans le cadre d'un projet multidisciplinaire. A. Katzenberg et Coll (Journal of Archaeological Science 2009 36:663-74) ont étudié la paléonutrition dans la nécropole de Khuzhir XIV, utilisée pendant 700 ans (2100-2700 BC). Au cours de plusieurs études préliminaires, toutes publiées antérieurement, ils ont analysé la composition isotopique des restes fauniques archéologique, de la faune, des poissons et de la flore actuelle de la zone du lac. Ces études ont permis de préciser les teneurs isotopiques dans chaque espèce.
Dans le cadre de l'étude bioarchéologique des restes humains, leurs teneurs en collagène, en carbonate et les isotopes 13C /25 N ont été analysées.
Il est apparu que ces populations tiraient leur apport carné essentiellement des poissons, en particulier des espèces vivant près du rivage, avec une part plus limitée de faune terrestres voire de phoques.
Il a été observé une variation individuelle de la teneur en 25 N selon la position des individus dans la nécropole ce qui pourrait reflétait des élément d’ordre social.
Il n’existait pas ce corrélation entre de la teneur en dans le collagène et le carbonate des os. Ce point pourrait refléter des variations saisonnières et au cours du temps de la proportion d’animaux terrestres et de poissons consommés. Cette teneur relative de 13C collagène/carbonate pourrait être dans l’avenir un marqueur utile pour les sujets ayant des apports carnés mixtes.
Ce corpus d’étude sur la préhistoire et la bioarchéologie autour du lac Baïkal représente dès à présent une source exceptionnelle d’informations (Site internet du projet Baïkal en cliquant sur le titre de cette note).

01/06/2009

Paléotraumatologie des guerriers mongols


Les fouilles archéologiques en Asie centrale permettent de retrouver les restes des grands peuples cavaliers, nomades et guerriers qui l’ont peuplé. X. Jordana et Coll (Journal of Archaeological Science 2009 ; 36 :1319-27) ont ainsi étudié la paléotraumatologie de 10 squelettes (7 hommes, 1 femmes, 2 enfants) découverts dans un tumulus de l’Age du Bronze (culture Pazyryk, liée aux Scythes) en République de l’Altaï, dans les montagnes de Mongolie, et datés du 5° siècle BC.
14 lésions traumatiques directes par armes (os coupé, crâne enfoncé) ont été retrouvées sur 7 sujets dont la femme et un des enfants. Six lésions osseuses étaient cicatrisées et correspondaient donc à des blessures survenues à distance du décès mais 8 autres, dont des lésions crâniennes, étaient non cicatrisées et ont donc pu être létales.
Les lésions ont probablement été causées par des armes divers (haches, flèches, poignards) et la variété topographique plaide pour des combats et agressions d’une extrême violence qui ont ainsi concerné hommes, femmes et enfants. Par ailleurs, un des crânes présente sur sa voûte de fines entailles qui sont en faveur du détachement du scalp.
Toutes ces données sont concordantes notamment avec les écrits d’Hérodote sur les mœurs de ces peuples que les études paléopathologiques, dont celle-ci, contribuent à objectiver.

31/05/2009

Amidon et Paléonutrition


Les marqueurs utilisés en paléonutrition sont le plus souvent indirects, comme les marqueurs isotopiques osseux. Dans l’étude de K. Hardy et Coll (Journal of Archaeological Science 2009 36 : 48-55), pour la première fois, un marqueur direct des aliments consommés, l’amidon piégé dans le tartre dentaire a été recherché pour appréhender la consommation de céréales.
Par une méthode très sophistiquée, les auteurs ont extrait l’amidon du tartre dentaire et ont analysé la morphologie des grains. Cette étude princeps a porté sur des chimpanzés et de petits échantillons provenant d’un site datant de l’âge du bronze d’Anatolie et de sites historiques de Grande-Bretagne.
Des granules d’amidon ont pu être mis en évidence dans tous les échantillons. Leur morphologie est parfois altérée. La cuisson, la mastication des aliments et la diagenèse peuvent en être la cause. La comparaison avec les grains d’amidon de végétaux actuels a permis, par exemple, d’identifier des grains provenant de tubercules dans le site préhistorique d’Anatolie, d’orge dans un site historique. Par cette étude, les auteurs ont démontré la faisabilité de l'extraction et de l'identification des grains d’amidon du tartre dentaire, correspondant donc à des plantes qui ont été mastiquées. Les limites techniques sont d'une part la nécessité d’un bon état de conservation des grains et d'autre part le fait qu'il n'est possible que de déterminer le genre des plantes et non l’espèce.
Cette méthode ouvre cependant la voie à une approche directe de la consommation de céréales dans les populations archéologiques.

24/05/2009

Jean Dastugue (1910-1996)




Jean Dastugue (1910-1996) était un chirurgien orthopédique français, également anatomiste à la Faculté de Médecine de Caen. Il publia de nombreuses études paléopathologiques entre 1958 et 1995. Parmi celles ci, un ouvrage synthétique avec comme co-auteur V Gervais : « Paléopathologie du Squelette humain » (1992 Boubée édit) où il développe son approche personnelle de la paléopathologie. Il était particulièrement intéressé par les limites entre le normal, l'anormal et le pathologique.

Ses travaux ont porté notamment sur des nécropoles de France et du Maghreb. Il est un des premiers auteurs à avoir publier l’étude paléopathologique des restes humains comme un chapitre autonome dans des monographies d’études anthropologique. Il a notamment collaboré à l’étude des nécropoles préhistoriques d’Afrique du Nord de Taforalt et Columnata. Il a publié également des travaux sur les trépanations.

Il a fondé le laboratoire d’anthropologie de la faculté de médecine de Caen.

Liste non exhaustive de ses publications en suivant le lien du titre de cette note.


22/05/2009

La spondylolyse chez des paléo-indiens


La spondylolyse (du grec spondylos , vertèbre et lysis , destruction) est définie par la présence d’une séparation entre l’arche neurale et le corps vertébral. La localisation préférentielle est la cinquième vertèbre lombaire (L5), plus rarement la quatrième lombaire (L4) et la première vertèbre sacrée (S1). Les controverses sur l’étiologie de cette affection furent longues et nombreuses. Les tenants d’une hypothèse congénitale s’opposèrent longtemps à ceux d’une origine traumatique ou microtraumatique. L’hypothèse d’une fracture de fatigue, basée sur des travaux de médecine sportive, s’est imposée et ce mécanisme physiopathologique explique vraisemblablement la plupart des atteintes.
Dans les populations historiques et modernes européennes le taux est beaucoup plus faible, proche de 6 à 7%. Nous avions observé une prévalence de 4,9% sur un effectif de 102 rachis d’une nécropole historique (Paleobios 2004 13- lien dans le titre de cette note). Dans les populations anciennes nord-américaines, les taux les plus élevés sont rencontrés chez les Inuits.
L’étude réalisée par E Weiss sur 146 squelettes (66 H, 66 F et 14 indéterminés) d’une population paléoindienne d’un mound de la baie de San Francisco en Californie, datée de 2080 à 250 BP (International Journal of Osteoarchaeology 2009 19 375-385) retrouve également des taux très élevés de 16,4%. Les hommes ont la prévalence la plus forte (26% versus 11%). Une association significative avec une lombalisation de S1 n’a été notée que chez les hommes. Ce taux élevé de spondylolyse est en faveur de contraintes mécaniques importants dans cette population, notamment chez les hommes.
La spondylolyse est un marqueur utile pour approcher les contraintes physiques des populations mais nous considérons que seuls des taux élevés (au delà de 10%) dans une population peuvent avoir une signification, à condition que l'effectif soit important. Il n’est pas possible d’attribuer à cette lésion une valeur individuelle d’information sur le mode de vie d’un sujet donné, seule une étude statistique a une signification.

21/05/2009

Chondrocalcinose et ambiguité terminologique


Lorsque les terminologies médicales francophones et anglophones diffèrent pour une même affection, il suffit de les traduire. Plus difficile est la situation où un terme médical recouvre des entités proches mais non superposables selon les auteurs. C’est le cas pour les mots chondrocalcinose et chondrocalcinosis.
La chondrocalcinose est une arthropathie métabolique fréquente du sujet âgé caractérisée par l'infiltration par des cristaux de pyrophosphate de calcium des (fibro-) cartilages (typiquement du ligament triangulaire du carpe et des ménisques) et pouvant se traduire cliniquement par des poussées inflammatoires articulaires. Sa traduction en chondrocalcinosis avec pour synonyme « calcium pyrophosphate dihydrate disease » recouvre la même définition que pour les francophones.
Il semble que certains auteurs anglophones regroupent sous ce terme toutes les calcifications acquises de tissus myo-ligamentaires avec des causes multiples qui vont de la simple dégénérescence discale à l’acromégalie en passant par la chondrocalcinose strictu senso.
Ainsi, un article de S Mays et coll (International journal of Osteoarchaeology 2009 , 19 : 39-46) illustre cette ambiguîté terminologique. Il y est présenté un cas de «chondrocalcinosis » avec des calcifications intervertébrales associées à des lésions arthrosiques sévères des deux épaules, à des calcifications tissulaires d’origine inconnue car découvertes dans les sédiments, à des lésions fémorales (mais avec une manifeste ostéochondrite fémorale donc survenue dans l’enfance) et à des ostéophytes assez banaux. Les auteurs discutent les différentes étiologies possibles pour ce cas selon ce concept élargie «chondrocalcinosis» en particulier une ochronose sans pouvoir conclure d’autant que les études physico-chimiques des calcifications, dont la provenance peut être très diverse, n’ont rien donné. Cette discussion n'a pas de sens si on adopte la définition classique de la chondrocalcinose.
Il est donc très important de se méfier des différences terminologiques en paléopathologie, de bien déterminer le sens attribué à des syndromes et maladies par les différents auteurs, comme il faut se méfier des «faux-amis» en langue anglaise.

17/05/2009

Cribra orbitalia et hyperostose porotique crânienne


En paléopathologie comme dans bien des domaines, il y a des sujets qui sont périodiquement traités sans qu’aucune conclusion définitive ne puisse être portée. C’est le cas des facteurs déterminant la présence de cribra orbitalia, cet aspect microporeux orbitaire, et de l’hyperostose porotique qui est le même type de lésion mais sur la voûte crânienne. PH Walker et Coll proposent une mise au point bibliographique sur ce sujet (American journal of Physical Anthropology 2009, pre print on line). Par une analyse exhaustive de la littérature (5 pages et demi de références), ils décrivent les différents aspects lésionnels et s’attachent à analyser tous les facteurs étiologiques qui ont été évoqués par les différents auteurs.
Ils discutent le rôle des différents facteurs étiologiques à la lumière des données archéologiques, historiques et bioanthropologiques des populations des Pueblos des Etats-Unis.
A partir de ces données, leur conclusion est que ces deux lésions ne sont pas liées à des anémies ferriprives (carence en fer) mais résultent d'une conjonction de facteurs : carences nutritionnelles, états sanitaires médiocres, infections notamment intestinales, pratiques culturelles avec des accès variables selon les sujets aux moyens de subsistance. Le mécanisme physiopathologique serait une hyperplasie médullaire secondaire à des anémies mégalobastiques qui seraient donc les responsables directs de ces aspects de cribra orbitalia et d’hyperostoses porotiques. Ces anémies résulteraient de carences en Vitamine B12 chez les mères, aggravées chez l’enfant par une alimentation carencée et des infections digestives.
Les auteurs, par une déduction quelque peu audacieuse, indiquent que les carences en B12 ayant des conséquences neuropsychiques, cela pourrait avoir contribué à l’existence de l'importante violence interpersonnelle et de l’anthropophagie décrites dans les populations des Pueblos qui présentent fréquemment de telles lésions osseuses !

16/05/2009

Déformation crânienne et os lambdoïdes




Les pratiques consistant à appliquer des contraintes mécaniques sur les os de la voûte du crâne des enfants pour leur donner une conformation particulière variable selon chaque ethnie sont regroupées sous le nom de «déformations crâniennes». Par ailleurs, il existe de façon inconstante et avec une fréquence variable dans les groupes humains, des os surnuméraires dans les sutures crâniennes notamment au niveau lambdoïde. Pour plusieurs auteurs, les déformations crâniennes induiraient la formation d’un nombre plus élevé d’os suturaux, à partir notamment d’étude expérimentales chez des rongeurs. Les études dans les populations anciennes ont donné des résultats contradictoires.
C. Wilcziak et Coll (American Journal of Physical Anthropology 2009 on line pre print) ont étudié le lien entre les os lambdoïdes et les déformations crâniennes d’une série de crânes d’un site du Nouveau-Mexique (130-1680 AD).
Ils ont analysé 68 crânes normaux et 49 crânes déformés (40 déformations occipitales et 9 déformations lambdoïdes). Ils ont corrélé le type, l’importance de la déformation et son caractère symétrique ou non avec le nombre et la localisation des ossicules lambdoïdes. La seule corrélation positive a été observée entre les déformations asymétriques gauche et le nombre d’ossicules à droite mais cela pourrait être un effet d’échantillon.
Le débat reste ouvert et, comme le concluent les auteurs, des études portant sur des populations génétiquement homogènes avec des effectifs importants, notamment pour les ossicules avec faible prévalence, restent à faire.

15/05/2009

Fractures de côtes


Il est banal de découvrir des cals de fractures de côtes en étudiant des squelettes. Leur prévalence dans les populations est cependant mal connue, peu d’études systématiques étant disponibles dans la littérature. L’intérêt de l’étude réalisée par V Matos dans une série d’un musée portugais (American Journal of Physical Anthropology, 2009 on line pre print) contribue à combler cette lacune.
L’auteur a examiné 197 squelettes de sexe et âge connus datant de la fin du 19° et du début du 20° siècle. Il a observé des cals de fractures de côte dans 23,9% des sujets et 2,6% des côtes conservées. Les côtes moyennes ( 5° à 8°) et plus généralement celles qui s’articulent avec le sternum (1 à 7) sont le plus souvent concernées avec une prédominance à gauche. Les fractures sont le plus souvent unilatérales et dans environ un cas sur 10 plusieurs côtes adjacentes étaient fracturées.
Il existe une prédominance masculine modérée (environ 55% versus 45%), mais pas de prédominance nette d’une classe d’âge au décès.
Dans les autres études publiées dans la littérature, la prévalence varie de 5,2% à 31,3%, le taux de cette population récente portugaise se situe donc dans la moyenne de ces valeurs.
Enfin, l’auteur a corrélé les fractures de côtes et les causes de la mort et note que les décès par pneumonie sont associés aux fractures de côtes mais la fiabilité des diagnostics médicaux il y a plus d’un siècle sont largement sujets à caution, à mon avis.

12/05/2009

Pseudopathologie et insectes


Les lésions post mortem dans les sédiments ou lésions taphonomiques peuvent donner un aspect pseudopathologique. Celles provoquées par des rongeurs sur des os sont bien connues. Le rôle des insectes et en particulier des hyménoptères était mal connu jusqu’au travail de E. Pittoni (International Journal of Osteoarchaeology 2009 19 : 386-96.). En étudiant les squelettes d’une nécropole de Sardaigne d’époque romaine : Pill’e Matta, l’auteur a constaté la présence de perforations et d’érosions sur les os de 45 des 72 sujets. Les lésions touchaient notamment les os longs et les os plats de la voûte crânienne. Leurs diamètres allaient de 4 à 8 mm.
La responsabilité de guèpes de l’espèce Philantum triangulum qui construit des galeries dans le sol (et se nourrit d’abeille) et d’Halictidae (abeilles solitaires) dans la formation de ces lésions est établie par la constatation au cours des fouilles de la capacité de ces insectes à pénétrer dans ces tombes, par la similarité des diamètres des lésions osseuses et des galeries des insectes et par la découverte de larves. Par ailleurs, les tombes les plus profondes (2 mètres) étaient indemnes, ce qui correspond aux modes de vie de ces insectes. La perforation des os était facilitée par leur mauvais état de conservation dans cette nécropole qui altérait leur résistance.
L’auteur termine ce très intéressant article par la présentation de plusieurs cas démonstratifs.

09/05/2009

Hyperostose frontale interne en Hongrie


L’hyperostose frontale interne (HFI) est une ossification périostée survenant chez l’adulte à la face endocrânienne du frontal et qui peut s’étendre vers les pariétaux et les temporaux. Bien connues en médecine comme une découverte fortuite radiologique, chez l’adulte avec une incidence qui augmente avec l’âge, sans aucune signification étiologique précise ni conséquence clinique et thérapeutique, les HFIs ont fait l’objet de nombreuses publications en paléopathologie. Cela s’explique notamment par le fait que l’examen visuel des crânes permet, au moins quand ils sont fragmentés, de diagnostiquer aisément ces lésions. Plusieurs classifications ont été proposées pour tenir compte de l’importance variable du développement de l’HFI.
T. Hadju et coll ont recherché systématiquement les HFIs dans une importante collection de 803 crânes d’adultes provenant de plusieurs séries archéologiques hongroises datant de l’âge du Bronze au 17° siècle (Homo, Journal of Comparative Human Biology, 2009 sous presse).
Leur étude a consisté à étudier tous les crânes dont la partie endocrânienne était examinable visuellement (avec donc une fracturation de la voûte). Ils ont observé 15 cas chez les hommes et 5 cas chez les femmes soit une prévalence totale de 2,5%.
L’hétérogénéité de cette collection et la faible prévalence des HFIs rendent difficiles l’analyse de la variation dans l’espace et dans le temps en Hongrie. Cette publication à l’intérêt de fournir le taux de prévalence globale dans une série numériquement très importante mais aussi de proposer une bonne revue de la littérature sur les Hyperostoses Frontales Internes.

08/05/2009

Mirko D. Grmeck (1924-2000)


Ce chercheur au destin exceptionnel était un grand historien de la médecine notamment antique, il a développé en paléopathologie le concept de "Pathocénose" : état d'équilibre des maladies à un moment donné de l'histoire dans une société donnée.
D’origine croate, il s’engagea à 18 ans dans la résistance puis dans les Forces alliées. Il entreprit ensuite des études de médecine à Zagreb et choisit de se consacrer à la recherche sur l’histoire de la médecine. Il fonda l’Institut d’histoire des sciences de Zagreb et dirigea la première Encyclopédie de la médecine.
Il s’installa à Paris en 1963 où le Collège de France lui confia le classement des notes de Claude Bernard, dont il devint le spécialiste internationalement reconnu. Naturalisé français en 1967, il prit la direction d'une monumentale Histoire de la pensée médicale en Occident, pour laquelle il constitua une équipe interdisciplinaire internationale de médecins et biologistes, historiens et sociologues, philologues et philosophes.
Il a terminé sa carrière universitaire comme directeur d'études en histoire des sciences biologiques et médicales à l'École Pratique des Hautes Etudes qu'il avait intégré depuis 1972.
Pour les paléopathologistes, son livre « Les maladies à l’aube de la civilisation occidentale » (Payot éditeur) dans lequel il a développé son concept de Pathocénose est une base de réflexion majeure.
Parmi ses autres ouvrages il faut connaître notamment:
- Mille ans de chirurgie en Occident (1966).
- Histoire du sida (Payot, 1989, 1995).
- La Première Révolution biologique (1990).
- les Maladies dans l’art antique (1998).

26/04/2009

fractures de parade du cubitus (parry fracture)


Les fractures de parades de l’avant-bras («parry fracture») sont définies comme des fractures isolées de la diaphyse du cubitus. Elles sont attribuées à un choc direct sur un avant-bras levé au dessus de la tête pour la protéger d’un coup porté par un agresseur. Dans cette position, le bord de la diaphyse cubitale est directement exposé au choc et peut être ainsi fracturé alors que le radius reste intact.
MA Judd a réévalué ce diagnostic à partir de l’étude d’une série de l’âge du Bronze nubien datée de 2500-1500 BC (Journal of Archaeological Science 2008 35 : 1658-1666). 38 fractures de l’avant bras ont été colligées. L’auteur a analysé les types de fractures possibles des os de l’avant-bras et propose que soient retenues comme fractures de parade du cubitus celles qui répondent à 4 critères : absence de fracture radiale associée, fracture linéaire transversale, localisation près du milieu de la diaphyse et faible déplacement des fragments.
Il est cependant difficile de différentier les fractures de fatigue (stress fractures) liées à des activités physiques soutenues. Ces fractures ont un alignement conservé des fragments osseux, une petite réaction périostée fusiforme au niveau de la lésion qui se situe à la jonction tiers moyen–tiers distal de la diaphyse. Ces fractures de fatigue sont rares actuellement et qu’elle surviennent après des sollicitations mécaniques soutenues chez des sujets peu entrainés (ex fracture du tibia jeune soldat).
Dans la série étudiée, 21 des 28 fractures du cubitus répondent aux critères des fractures de parade. Les blessés étaient en majorité des hommes et il existaient peu de fractures perimortem donc de sujets décédés après un traumatisme. Cependant, 6 cubitus avaient des fractures de parade de morphologies également compatibles avec des fractures de fatigue ce qui montre la difficulté de trancher entre les deux diagnostics.

25/04/2009

Ostéoporose dans l'Egypte antique


L‘ostéoporose a longtemps a été considérée comme absente dans les populations du passé dont l’espérance de vie était faible et qui étaient considérées comme physiquement tellement actives qu’il ne pouvait exister de déminéralisation avec l’âge. Des études histologiques confirmaient ce fait selon certains auteurs. Depuis quelques années, plusieurs auteurs dont S Mays en Grande-Bretagne et l’auteur de ce blog en 2001 et 2008 (http://bertrand.free.fr/publications.htm), ont publié des études par absorptiométrie de populations médiévales démontrant une déminéralisation post-ménopausique chez les femmes identique à actuellement.
Une nouvelle étude a été réalisée sur des squelettes égyptiens de la nécropole de Giza (2687-2191BC) par ME Zaki et coll (International Journal of Osteoarchaeology 2009 ; 19 : 78-89). L’échantillon comprenait 74 sujets (43 H/31F) de deux classes sociales différentes : notables (24H/15F) et ouvriers (19H/16F), classés en 5 classes d’âge au décès. Les auteurs ont analysé la minéralisation par absorptiométrie et la microarchitecture osseuse par microscopie électronique. Pour les auteurs, il existe une déminéralisation croissante avec l’âge dans les deux sexes. L’ostéopénie et l’ostéoporose seraient plus marquées chez les hommes dans le groupe ouvriers et chez les femmes dans le groupe notables. Ce résultat est interprété comme en relation avec dans le premier cas, des stress nutritionnels et des travaux pénibles et, dans le second cas, par une sédentarité des femmes de notables.
Cette étude pêche par de nombreux points méthodologiques. Notamment, les effectifs sont trop faibles pour chaque sous groupe pour être exploité (même si ils sont testables statistiquement, il n’en sont pas pour autant biologiquement valable). Ainsi, il n’existe que 6 hommes et 7 femmes de plus de 50 ans, toutes séries confondues.
La conclusion semble d'ailleurs en elle-même peu crédible. Les femmes d’ouvriers auraient donc été à la fois mieux nourries et raisonnablement active leur permettant d’éviter une hypominéralisation carentielle dans l'enfance et l'ostéoporose post-ménopausique. La déminéralisation par conjonction de carence dans l’enfance et d’une hyperactivité chez l’homme n’est pas démontrée chez le sujet actuel, seule une étude réalisée en Inde de 1996 avait émis l’hypothèse de son existence.
A noter, l’absence de présentation des résultats des groupes séparés ne permettant pas d’apprécier les effectifs par sites et classe d’âge,de nombreuses erreurs dans la mise en forme (Tableau 1 avec intitulés erronés, inversion des figures a et b).
Une étude portant sur des effectifs plus importants avec une méthodologie rigoureuse est souhaitable.

21/04/2009

Microstries dentaires et nutrition des paléo-indiens d’Alaska


Les dents se strient sous l’effet mécanique des constituants du bol alimentaire. Les alimentations à base de viande donnent des stries différences de celles à base de végétaux. S. El-Zaatari (Journal of Archaeological Science 2008 35 : 2517-22) a étudié deux populations archéologiques de Point Hope en Alaska, des Ipiutaks (100BC-500AD) et des Tigaras (1200-1700AD), provenant de sites fouillées vers 1940 et les a comparé à des populations paléo-indiennes Aleut et Arikara. Les Ipiutaks étaient des chasseurs de caribous et les Tigaras étaient essentiellement des chasseurs de baleines, alors que les Aleuts consommaient poissons, coquillages et phoques et que les Arikaras avaient une alimentation basée sur les céréales et la chasse (bison, antilopes..).
Les molaires des Ipiutaks présentent moins de microstries dentaires, de micropuits et sillons que celles des Tigaras. La morphologie des stries dentaires des Aleuts diffère de celles de ces deux groupes. Enfin, les dents des Arikaras, dont l’alimentation était mixte, présentent moins de microstries, puits et sillons que ces trois populations.
Cette étude confirme en tous points les données archéologiques et illustre l’intérêt de l’analyse des microstries dentaires pour la paléonutrition qui avait été montré dès 1981 par PF Puech, paléo-odontologiste français (travail cité par l'auteur).

15/04/2009

Caries dentaires au Portugal au 19° siècle


La bonne conservation archéologique des dents en fait une source précieuse d’informations paléo-odontologiques. Une des difficultés rencontrées est la rareté des séries de références bien documentées pour établir des comparaisons entre des populations passées et actuelles en Europe. L’étude menée, en collaboration notamment avec S. Hillson qui fait autorité en paléo-odontologie, par S.N. Wasterlain (American Journal of Physical Anthropology 2009 disponible on line pre print) va contribuer à combler cette lacune.
Les auteurs ont étudié les caries et les pertes dentaires ante mortem dans la série de squelettes du 19° siècle de Coimbra au Portugal, pour laquelle on connait l’identité et l’activité professionnelle de chaque sujet. Ils ont analysé 600 individus et plus de 9500 dents. Les constatations principales sont l’absence dans cette population de variation sexuelle importante bien que les dents supérieures soient plus atteintes chez les femmes, l’augmentation de la prévalence des caries avec l’âge, une atteinte préférentielle des secteurs prémolaires et molaires et des surfaces occlusales. Le parodonte n’est pas corrélé aux caries.
Les auteurs ont principalement comparé leurs résultats avec ceux provenant des études de séries du Kenya (Manji, 1989) et de Chine (Lian, 1989). De grandes similitudes de prévalence en terme de dents atteintes, progression avec l’âge sont notées avec ces populations. En revanche, les pertes ante mortem sont plus fréquentes dans la série portugaise.
Les auteurs n’ont pas exploité les données épidémiologiques concernant la situation sociale des sujets. Ils n’ont pas été en mesure de comparer leurs résultats aux données actuelles au Portugal, en cours de récolte.
Les résultats obtenus sont assez classiques dans les populations ayant un accès réduit aux soins mais l’importance numérique de cette série en fait une incontournable référence statistique pour les études paléo-odontologiques à venir.

12/04/2009

Scanners et momies


L'imagerie médicale moderne et notamment les scanners 3D sont de plus en plus utilisés pour l'étude anthropologique et paléopathologique des momies. O'Brien et Coll (International Journal of Osteoarchaeology 2009; 19: 90–98) ont analysé 31 articles contenant des études scannographiques de momies publiés de 1979 à 2005. Ils ont établi une grille d'analyse intégrant à la fois la formation technique des auteurs (radiologues ou non), des critères méthodologiques et le contenu scientifique (résultats et conclusions) des articles. Ils relèvent notamment l'absence de radiologues parmi les signataires des articles 26% des cas. Les protocoles scannographiques utilisés ne sont indiqués que dans 67% des travaux. La plupart des scanners n'ont pas été effectués pour une problématique préalable, c'est à dire que l'imagerie était à l'origine de la démarche scientifique et n'était pas utilisée pour vérifier une hypothèse. Les scanners ont été effectués pour étudier les procédés de momification (74%) et/ou pour une étude paléopathologique (58%).
Les conclusions des articles font appel aux données scannographiques dans 84% des cas mais sans que cela concorde nécessairement avec les buts initiaux de l'étude (36%) et apporte des réponses précises à un questionnement préalable (32%). En appliquant un système d'évaluation du contenu scientifique, les auteurs estiment que les conclusions proposées reposent sur un argumentaire scientifique faible dans 61% des cas.
Les auteurs concluent à la nécessité que les études scannographiques des momies soient réalisées avec une problématique et des hypothèses clairement établies au préalable. Ils proposent que soient définis des protocoles d'étude avec des scanners corps entiers suivis d'études focales d'organes selon des protocoles adaptés. Les équipes, enfin, doivent associer aux anthropologues et paléopathologistes des radiologues dont certains peuvent avoir notamment une compétence particulière dans l'imagerie musculo-squelettique, ce qui est le cas d'au moins un des auteurs de l'article, le Pr RK Chhem.

09/04/2009

Robert Wilson Shufeldt

Robert Wilson Shufeldt (1850-1934) était le fils d’un amiral des Etats-Unis. Il fit d’abord une carrière militaire qui l’amena, pendant la guerre de Sécession, à servir sous les ordres de son père dans la marine. Il fit ensuite des études de médecine puis demanda être affecté dans les zones de l’Ouest: Fort Laramie dans le Wyoming. En raison de problèmes cardiaques, il prit une retraite anticipée et se consacra à des travaux ornithologiques dans le Sud-Ouest des Etats-Unis. Scientifique passionné, il est l’auteur de plus de 1100 articles sur la faune des Etats-Unis. Il est enterré dans le cimetière des vétérans d’Arlington.
L’article («Notes on palaeopathology» dans le journal de vulgarisation scientifique Popular Science Monthly 1893 42, 679–684), dans lequel, le premier, il emploie le mot Palaeopathologie est très court. Il y décrit des séquelles de fractures sur des os d’oiseaux. Il définit le mot «Palaeopathology» (palaeo : ancien et pathos : souffrance comme le «terme désignant toutes les maladies ou conditions pathologiques trouvées fossilisées sur des restes d’animaux d’espèces éteintes ou fossiles».
Ce sera sa seule contribution à la paléopathologie qui ne se développera qu’avec les travaux du chercheur franco-anglais Marc Armand Ruffer.


Marc Armand Ruffer (1859-1917), le premier paléoparasitologue


Marc Armand Ruffer est né à Paris en 1859. Sa famille, originaire de Lyon, immigra en Grande- Bretagne. Il étudia la médecine à Oxford puis à Londres et s'orienta vers la bactériologie. Il fut l'élève de Pasteur et de Metchnikoff à Paris. Il dirigea l'Institut Britannique de Médecine Préventive puis, en 1893 pour des raisons de santé, il accepta la chaire de bactériologie à la faculté du Caire. Il jouera un rôle majeur dans l'organisation de la lutte contre les épidémies de choléra et de peste comme responsable du bureau des quarantaines d'Egypte et délégué de l'Egypte dans les Conférences internationales sur les quarantaines.

Il fut l'un des premiers à pratiquer des autopsies sur des momies. En 1909, il décrivit des oeufs de bilharzies présents dans les reins de deux momies contemporaines de la XXe dynastie (1250-1085 av. J.-C.) (Note on the presence of "Bilharzia haematobia" in Egyptians mummies of the Twentieth Dynasty). En 1910, en autopsiant la momie de Nesperenhep, prêtre d'Amon qui avait vécu en 1000 av. J.-C., il découvrit un mal de Pott avec un abcès du psoas, démontrant ainsi que la tuberculose était présente dans l'Egypte ancienne. Il effectua de nombreuses autopsie de momies, décrivit des cas de nanisme et fut le premier à diffuser le terme de "Palaeopathologie". Il fut anobli et mourut à l'âge de 57 ans en 1917, lors du torpillage devant Salonique, du navire qui le transportait.

Il est considéré comme le fondateur effectif de la paléopathologie, même si le terme avait été inventé avant lui par RW Shufeldt, et de la paléoparasitologie.