28/09/2009

Cimetière de bataille ou cimetière de garnison ?


L’interprétation de la documentation historique sur les sites archéologiques doit être confrontée aux données paléopathologiques pour être validée. Un site médiéval de Pologne (Giecz, 11°-12° siècles) est situé dans une zone de fortifications et de bataille. Le cimetière attenant était considéré comme contenant des restes de combattants. HM Justus et AM Agnew ont étudié la paléotraumatologie des 278 individus inhumés (Paleopathology Newsletter 2009 147 : 7-14).

La première contradiction par rapport à l’hypothèse initiale est d’ordre paléodémographique. La série adulte comporte en effet 65% d’hommes mais 35% de femmes et les enfants constituent 30% de l’effectif total.

Les auteurs ont observé la présence de lésions traumatiques létales peri mortem sur seulement 2 adultes avec une entaille du crâne pour l’un et de multiples blessures à l’arme blanche pour l’autre.

Bien qu’il y ait une dominance de sujets masculins, cette série ne correspond donc pas à un cimetière de combattants. Plusieurs hypothèses sont proposées pour expliquer ce fait : les combattants ont pu être inhumés dans des charniers ailleurs, la Pologne avait une période de paix relative lors de l’utilisation du cimetière. Cette prédominance masculine avec des familles est évocatrice d'une garnison en période de paix même si des affrontements individuels ou des escarmouches pouvaient se produire.

25/09/2009

Exostoses du canal auditif externe en Nubie

Des ostéomes, appelé communément exostoses, peuvent se développer à l’entrée du canal auditif externe au point de pouvoir quasiment l’obstruer. C’est une affection très fréquente chez les personnes ayant un contact fréquent avec l’eau comme les surfeurs. Les facteurs en cause sont le froid et l’action mécanique de l’eau. Ces exostoses sont donc considérées comme des marqueurs d’activités comprenant des immersions fréquentes. Leur étude dans les populations du passé permet d’appréhender la pratique d’activité de nage, de plongée.

K. Godde (International Journal of Osteoarchaeology 2009 sous presse on line) a étudié 744 crânes isolés provenant d’un site égyptien, Smethna South, situé le long du Nil entre la 2° et la 3° cataracte, et conservés aux Etats-Unis (Arizona). Cette série dont le sexe des sujets est indéterminé en l’absence du post-crânien est très étalée dans le temps (100 BC-1950 AD). Il existe 6 cas d’exostoses du conduit auditif externe. Le taux d’exostose dans cette série chronologiquement hétérogène est donc de 8 pour mille.

Les activités subaquatiques n’étaient probablement pas usuelles dans ces populations vivant sur les rives du Nil. L’auteur indique qu’elles tiraient leurs ressources essentiellement de l’agriculture et que ceux qui pêchaient le faisaient par la pose de filets. Il considère que d’autres facteurs que l’exposition à l’eau devaient être responsables de ces 6 cas.

On ne peut cependant exclure que parmi ces 6 sujets certains aient eu, notamment dans l’enfance et l’adolescence, des activités dans l’eau même limitées. Les observations médicales actuelles ont permis de montrer qu’il existe un important facteur individuel de sensibilité qui fait qu’à exposition égale à l’eau, certains sujets développent rapidement des exostoses et d’autres jamais. D’autre part, on constate actuellement la présence d’exostoses chez des sujets n’ayant eu aucune exposition prolongée à l’eau. Enfin, certains de ces sujets ont pu migrer depuis une région où des pratiques aquatiques existaient voire l’usage de bains romains comme l'indique d'ailleurs l'auteur.

Donc les nubiens ne pratiquaient pas le windsurf sur le Nil.

24/09/2009

Jules Le Baron (1855-1902)

Jules Le Baron a soutenu une thèse de médecine à Paris en 1881 intitulée « Lésions osseuses de l'homme préhistorique en France et en Algérie » éditée chez A. Derenne. Ce sera l’unique publication connue de ce médecin passionné d’anthropologie.
Cette thèse est la première publication francophone spécifiquement consacrée à la paléopathologie. L’auteur a étudié des collections rassemblées dans des musées et collections diverses à Paris (Muséum, Musée Broca, Musée Dupuytren).
Son but était « d’étudier le squelette de l’homme préhistorique, au point de vue des lésions qu’il porte, et d’en tirer des conclusions capables de nous éclairer sur sa pathologie et aussi sur ces mœurs ». Cette définition de la paléopathologie est toujours d’actualité.
Ce caractère fondateur est aussi présent dans le contenu de cette thèse. L’auteur a ainsi longuement discuté le diagnostic différentiel entre les lésions pathologiques et les altérations post mortem, avec notamment le rôle des rongeurs, soulignant l’importance de ce qui sera nommé, bien plus tard, "Taphonomie".
Sa thèse reposant sur des études de cas, avec le plus souvent des os isolés notamment des fragments de crânes, et les connaissances médicales de l’auteur étant celles de la fin du 19° siècle, il n’est guère possible d’utiliser ses données sans un nouvel examen des pièces. Sa vision des hommes préhistoriques était aussi celle de son temps : « Piller et conquérir, telle a été et est encore la vie des peuples sauvages ».
Il n’en reste pas moins que Jules Le Baron fut un précurseur. Sa thèse mérite d'être lue et ne doit pas être oubliée quand on évoque l’histoire de la paléopathologie.
Elle peut être téléchargée gratuitement sur le site de la BIUM (cliquer sur le titre de cette note).