22/03/2009

D’étranges mastoïdites

S. Flohr et le paléohistologiste allemand Michael Shultz viennent de publier (American Journal of Physical Anthropology 2009 ;138:266-73) une bien étonnante étude des mastoïdites dans deux séries historiques allemandes de 223 os temporaux (Dirmstein 6°-8° s AD :152 os pour 103 sujets et Rhens 7°s AD: 71 os pour 42 sujets).
Pour rechercher les lésions de mastoïdite, ils ont procédé à un sciage des os temporaux puis ont étudié l’aspect macro et microscopique des cellules temporales. Ils ont noté des remaniements osseux interprétés comme des stygmates de mastoïdites bactériennes. Ces malheureux archéogermains auraient soufferts de mastoïdites bactériennes dans 88,3 % des cas dans la première série et 80% dans l’autre. Ces chiffres sont totalement impossibles à admettre, les mastoïdites bactériennes en l’absence d’antibiothérapie provoquent rapidement des destructions osseuses majeures et aucune n’est signalée dans l’article.
Dans leur conclusion, les auteurs considèrent leurs résultats comme «plausibles», en considérant les mauvaises conditions de vie à l’époque. Ils indiquent que l’on ne peut comparer aux données médicales car leur méthode analyse des lésions cumulées au cours de la vie et qu’ils décomptent aussi des séquelles d’infections bactériennes « silencieuses » (???). Si on utilise le mot mastoïdite dans son sens médical actuel, la conclusion devrait être : les mastoïdites bactériennes étaient des affections gravement endémiques affectant quasiment tous les individus de ces populations et donc probablement responsables d’une effroyable létalité !!!.
Cet article m’inspire deux réflexions. D’abord, je trouve anormal de scier des crânes pour faire un diagnostic de mastoïdite à l’époque du scanner de haute définition et cette étude n'aura, de ce fait, probablement pas de lendemain. Les mêmes auteurs de cet article ont publié simultanément (International Journal of Osteoarchaeology 2009: 19: 99-106) leur méthode à partir de la même série de Dirmstein, et indiquent n'avoir réalisé que 7 scanners (et 12 études histologiques) pour 105 mastoïdes !!! Ensuite, ces diagnostics par excès illustrent une regrettable tendance à faire de la paléopathologie de laboratoire totalement détachée de la moindre réalité médicale. Que des lésions osseuses secondaires à des réactions inflammatoires de natures diverses (virales notamment) soient fréquentes (et probablement) asymptomatiques n’étonnera personne mais on ne peut pour autant porter de tels diagnostics de mastoïdites "bactériennes" sans aucun autre argument pour l'étayer.